dimanche 6 mai 2018

Au souffleur

Le jour de tes 30 ans, nous avions réservé une table dans un restaurant dans le sud, au bord de l’océan.
Nous sommes arrivés un peu tôt, alors, aller sur la côte rocheuse, à cet endroit «Le souffleur». Là, les vagues puissantes s’engouffrent sous les roches noires et rejaillissent dans une cavité. C'est magique ce jet blanc sur noir !
Ce 23 Mars 2003, l’océan ourlait de belles déferlantes.

Il fallait traverser une ravine pour aller au plus près du spectacle.
Pas envie, suis restée là, vous regardant partir ta sœur et toi, écoutant la fureur des flots.

Tu t’approchais du bord, seul par devant, et avant même qu’elle se lève, j’ai su la vague, plus forte, plus cinglante, tu t’approchais encore, ignorant le danger.
Il fut un temps, où hystérique je serais devenue devant l’évidence qui se disait là, j’aurai hurlé, j'aurai fait de grands gestes désarticulés en ta direction, te sommant de retourner en lieu sûr, implorant le ciel, la terre, refusant de tout mon être, repoussant la vague loin de toi. Quand vous étiez petits, je le disais, pour vous je soulèverai les montagnes, et cela est vrai.

Un grand silence… la vague et toi, l’un vers l’autre, irrémédiablement.
Une immobilité en mon cerveau, cela ne pense plus, cela sait.
Te sentir, prendre conscience ; Voir te mettre à courir, la vague à tes trousses. Elle te rattrape, explosion sur les roches, ne plus te voir.
Alors en moi, en ce silence : « Si je le vois se relever… »
Tu t’es relevé.

Nous nous sommes retrouvés, la paix ne m’avait pas quittée. Tu as raconté, te mettre à plat ventre, le déferlement de l’eau partout autour de toi, même pas mouillé.
Le restaurateur avait vu la scène de sa terrasse, il t’a dit le danger, il t’a dit la chance, il t’a dit les accidents mortels en cet endroit.


 Frédéric L.

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