jeudi 7 avril 2016

La di la fé (suite)

 Voici un texte de Krishnamurti, ces mots me parlent toujours aussi fort tant je suis en accord avec ce qu'ils disent.

Vous ne devriez pas être trop ici ; soyez si loin qu’ils ne puissent vous trouver, qu’ils ne puissent en avoir après vous pour vous modeler, vous mouler.
Soyez si loin, comme les montagnes, l’air exempt de pollution ; soyez si loin que vous n’ayez ni parents, ni relations, ni famille, ni pays ; soyez si loin que vous ne sachiez même pas qui vous êtes ; ne les laissez pas vous trouver ; ne les laissez pas entrer en contact de manière trop proche.
Tenez-vous loin là où vous ne pouvez même pas vous trouver vous-même ; gardez une distance qui ne peut jamais être franchie ; gardez un passage ouvert à travers lequel personne ne peut venir.
Ne fermez pas la porte car il n’y a pas de porte, seulement une ouverture, passage sans fin. Si vous fermez n’importe quelle porte, ils seront très proches de vous, puis vous serez perdus.

Tenez-vous loin là où leur souffle ne peut vous atteindre, et leur souffle voyage très vite et très profondément ; ne vous laissez pas contaminer par eux ; par leurs mots, par leurs gestes, par leur grande connaissance.
Ils ont une grande connaissance, mais soyez si loin d’eux que vous ne pouvez même pas vous trouver vous-même. Parce qu’ils vous attendent, à chaque coin de rue, dans chaque maison, pour modeler, pour vous mouler, vous déchirer en morceaux, puis vous mettre tous ensemble à leur propre image.
Leurs dieux, les petits et les grands, sont des images d’eux-mêmes, sculptés par leur propre esprit ou leurs propres mains. Ils vous attendent, l’homme d’église et le Communiste, le croyant et le non-croyant, parce qu’ils sont les mêmes ; ils pensent qu’ils sont différents mais ils ne le sont pas car ils vous lavent tous deux le cerveau, jusqu’à ce que vous soyez des leurs, jusqu’à ce que vous répétiez leurs mots, jusqu’à ce que vous adoriez leurs saints, les anciens et les récents, ils ont des armées pour leurs dieux et pour leurs pays, et ils ont des experts en tuerie.
Tenez-vous loin, mais ils vous attendent, l’éducateur et l’homme d’affaires ; on vous entraîne pour les autres à vous conformer aux demandes de la société, ce qui est une chose mortelle.
Ils feront de vous un scientifique, un ingénieur, un expert de presque tout, de la cuisine à l’architecture, en passant par la philosophie.

Tenez-vous loin, très loin ; ils vous attendent le politicien et le réformiste ; les uns vous traînent dans le caniveau, les autres vous réforment.
Ils jonglent avec les mots et vous serez perdus dans leur désert.
Tenez-vous loin ; ils vous attendent, les experts en dieux et les lanceurs de bombes ; les uns vous convaincront et les autres vous montreront comment tuer ; il y a tellement de manières pour trouver dieu, et tellement, tellement de manières de tuer.

Mais outre tout cela, il y a les requêtes des autres vous disant quoi faire et quoi ne pas faire, tenez-vous loin de tous ceux qui vous attendent, mais alors le jeu devient si compliqué et divertissant qu’alors vous serez perdu.
Vous ne devriez pas être trop ici, soyez si loin que vous ne pouvez vous trouver vous-même.

Ils ont une chose appelée société et famille : ces deux sont leurs réels dieux, le filet dans lequel vous serez empêtrés.

Krishnamurti’s Notebook, Full Text Edition
© 2003 by Krishnamurti Foundation Trust Ltd.

11 commentaires:

  1. Soyez dans votre grande distraction qui n'est pas le contraire de l'attention...

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  2. Le paradoxe... basé sur les opposés et non les contraires.

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  3. Ce qui est sûr c'est que c'est grâce à SA distraction que l'attention passe à travers les mailles d'un fatal "filet"...

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    1. "Après tout, il faut bien vivre avec les vivants et laisser l'eau couler sous les ponts sans nous en occuper, ou du moins, sans en être troublé plus que ça."
      Montaigne.

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    2. Ben, si Montaigne a dit ça ! Lolll

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    3. Lui ou un autre...

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    4. Alors en voici un autre :

      L'Étranger

      - Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
      - Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
      - Tes amis?
      - Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
      - Ta patrie?
      - J'ignore sous quelle latitude elle est située.
      - La beauté?
      - Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle?
      - L'or?
      - Je le hais comme vous haïssez Dieu.
      - Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
      - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!

      Charles Baudelaire
      in "Le spleen de Paris"

      Et en musique :
      https://youtu.be/rk1mO7gVHqs

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    5. Merci Étrangère.

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  4. Ce qui est sûr ?
    La grâce ?
    SA
    Ah, ce goût pour ce qui ne cesse de nous échapper, nous si petits, si faibles, entre les mains du divin...
    Si petits et si faibles et pourtant tellement destructeurs !
    Petite conscience ne demande pourtant qu'à grandir.

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