"La
méditation est simplement un état naturel de quiétude dans lequel
toutes ces choses qui d’ordinaire sont refoulées, se voient
autorisées à faire surface."
"Celui
qui vit sans se soucier de la sécurité, connaît la sécurité
véritable."
Vous
ne devriez pas être trop ici ; soyez si loin qu’ils ne
puissent vous trouver, qu’ils ne puissent en avoir après vous pour
vous modeler, vous mouler.
Soyez
si loin, comme les montagnes, l’air exempt de pollution ;
soyez si loin que vous n’ayez ni parents, ni relations, ni famille,
ni pays ; soyez si loin que vous ne sachiez même pas qui vous
êtes ; ne les laissez pas vous trouver ; ne les laissez
pas entrer en contact de manière trop proche.
Tenez-vous
loin là où vous ne pouvez même pas vous trouver vous-même ;
gardez une distance qui ne peut jamais être franchie ; gardez
un passage ouvert à travers lequel personne ne peut venir.
Ne
fermez pas la porte car il n’y a pas de porte, seulement une
ouverte, passage sans fin. Si vous fermez n’importe quelle porte,
ils seront très proches de vous, puis vous serez perdus.
Tenez-vs
loin là où leur souffle ne peut vous atteindre, et leur souffle
voyage très vite et très profondément ; ne vous laissez pas
contaminer par eux ; par leurs mots, par leurs gestes, par leur
grande connaissance.
Ils
ont une grande connaissance, mais soyez si loin d’eux que vous ne
pouvez même pas vous trouver vous-même. Parce qu’ils vous
attendent, à chaque coin de rue, dans chaque maison, pour modeler,
pour vous mouler, vous déchirer en morceaux, puis vous mettre tous
ensemble à leur propre image.
Leurs
dieux, les petits et les grands, sont des images d’eux-mêmes,
sculptés par leur propre esprit ou leurs propres mains. Ils vous
attendent, l’homme d’église et le Communiste, le croyant et le
non-croyant, parce qu’ils sont les mêmes ; ils pensent qu’ils
sont différents mais ils ne le sont pas car ils vous lavent tous
deux le cerveau, jusqu’à ce que vous soyez des leurs, jusqu’à
ce que vous répétiez leurs mots, jusqu’à ce que vous adoriez
leurs saints, les anciens et les récents, ils ont des armées pour
leurs dieux et pour leurs pays, et ils ont des experts en tuerie.
Tenez-vous
loin, mais ils vous attendent, l’éducateur et l’homme
d’affaires ; on vous entraîne pour les autres à vous
conformer aux demandes de la société, ce qui est une chose
mortelle.
Ils
feront de vous un scientifique, un ingénieur, un expert de presque
tout, de la cuisine à l’architecture, en passant par la
philosophie.
Tenez-vous
loin, très loin ; ils vous attendent le politicien et le
réformiste ; les uns vous traînent dans le caniveau, les
autres vous réforment.
Ils
jonglent avec les mots et vous serez perdus dans leur désert.
Tenez-vous
loin ; ils vous attendent, les experts en dieux et les lanceurs
de bombes ; les uns vous convaincront et les autres vous
montreront comment tuer ; il y a tellement de manières pour
trouver dieu, et tellement, tellement de manières de tuer.
Mais
outre tout cela, il y a les requêtes des autres vous disant quoi
faire et quoi ne pas faire, tenez-vous loin de tous ceux qui vous
attendent, mais alors le jeu devient si compliqué et divertissant
qu’alors vous serez perdu.
Vous
ne devriez pas être trop ici, soyez si loin que vous ne pouvez vous
trouver vous-même.
Ils
ont une chose appelée société et famille : ces deux sont
leurs réels dieux, le filet dans lequel vous serez empêtrés.
Krishnamurti’s
Notebook, Full Text Edition, pp. 379–381
Nous
sommes mécontents parce que nous croyons que nous devons absolument
être satisfaits. C’est l’idée que nous devons être en paix
avec nous même qui rend le mécontentement douloureux. Vous pensez
que vous devez être quelque chose, n’est ce pas ? Un individu
responsable, un citoyen utile et tout le reste. La compréhension du
mécontentement peut vous permettre d’être tout cela et bien
davantage. Mais vous voulez faire quelque chose de satisfaisant,
quelque chose qui vous occupera l’esprit et mettra fin à cette
perturbation interne.
La
liberté intervient lorsqu’on a compris l’asservissement. La
vérité n’est pas quelque chose de permanent…
La
vérité est une chose vivante, c’est l’état propice à la
recherche véritable.
Penser
à partir de conclusions n’est tout simplement pas penser.
Contrôler
le désir, c’est le rétrécir et être égocentrique. Le
discipliner, c’est élever un mur de résistance qui finit toujours
par être abattu, à moins, naturellement, que vous deveniez névrosé
et ne vous attachiez à une seule forme de désir. Sublimer le désir
est un acte de volonté, mais la volonté est essentiellement la
concentration du désir, et lorsqu’une forme de désir en domine
une autre, vous êtes à nouveau plongé dans les vielles structures
de la lutte et du conflit.
Savoir
et informations éclairent peut être le fait mais ne sont pas le
fait. Seul le contact direct qui est total est la connaissance du
fait.
Mourir
à tout ce que vous avez appris, c’est cela apprendre. Cette mort
n’est pas un acte final : c’est mourir au moment qui passe,
d’un instant à un autre.
La
souffrance ne peut se comparer. La compassion entraîne l’apitoiement
sur soi-même et le malheur n’est pas loin. L’adversité doit
être appréhendée directement.
K :
La méditation est-elle un moyen d’échapper à ses propres
problèmes, et d’éluder les faits réels, auquel cas ce n’est
pas du tout de la méditation ? Ou bien la méditation
consiste-t-elle à comprendre le problème de l’existence ?
Plutôt que de l’éluder, mieux vaut comprendre la vie quotidienne
avec tous ses problèmes. SI cela n’est pas compris, clairement
réglé, j’aurai beau aller m’asseoir dans un coin pour suivre
les directives d’un gourou qui m’enseigne la méditation
transcendantale, ou une autre forme absurde de méditation, tout cela
n’aura aucun sens.
Qu’est-ce
donc que méditer, qu’est-ce que cela signifie ?
J’espère
que je ne vous aurai pas rendu la réponse trop difficile, en
réfutant ainsi toutes ces formes de méditation, en refusant les
pratiques répétitives de formules, comme cela se fait en Inde, au
Tibet et dans le monde entier, cette répétition sans fin d’Ave
Maria ou d’autres paroles, ressassées sans fin, et dénuée de
sens. Cela finit par abêtir l’esprit de façon grotesque.
Pourquoi
devrions-nous méditer ?
CT :
Ne pensez-vous pas que la méditation est l’un des événements
faisant partie de la vie d’un homme ?
K :
Monsieur, chaque être humain est en butte à des problèmes
innombrables. Il doit d’abord les résoudre, ne croyez-vous pas ?
Il doit mettre de l’ordre en sa propre demeure, cette demeure étant
le "moi" - mes pensées, mes sentiments, mes
angoisses, ma culpabilité, ma souffrance : je dois mettre de
l’ordre dans tout cela. Car sans cet ordre, comment puis-je aller
plus loin ?
CT :
Le problème, c’est qu’on essaie à la fois de résoudre le
problème, et de chercher aussi l’ordre – n’est-ce-pas la
promesse d’un chaos encore accru ?
K :
Dans ce cas je cesse de rechercher l’ordre. J’explore ce qu’est
le désordre, et je cherche à savoir d’où vient de désordre ;
je renonce à trouver l’ordre, car alors les gourous et toute la
clique entrent en scène ! Ce dont j’ai envie, ce n’est pas
de l’ordre, mais de découvrir pourquoi la vie est si pleine de
désordre, et de chaos. C’est à chacun de le découvrir.
CT :
Mais cette découverte n’est pas d’ordre intellectuel.
K :
L’intellect fait partie de notre structure globale, on ne peut pas
disqualifier l’intellect.
CT :
Mais on ne peut pas se servir de l’intellect pour résoudre des
problèmes intellectuels.
K :
Non, ces problèmes ne peuvent être résolus à aucun niveau, si ce
n’est en totalité.
CT :
Oui, c’est tout à fait exact.
K :
En d’autres termes, monsieur, pour résoudre le problème du
désordre, la méditation – au sens ordinaire du terme – est-elle
indispensable ?
CT :
Pas la méditation au sens ordinaire, au sens conventionnel ; ce
qu’il faut, c’est une méditation hors de l’ordinaire.
K :
Si je puis me permettre … qu’entendez-vous par là ?
CT :
La méditation hors de l’ordinaire consiste à voir le désordre
comme faisant partie d’une certaine forme d’ordre.
K :
Voir le désordre.
CT :
Voir le désordre en tant qu’ordre, si vous voulez.
K :
Ah non. Voir le désordre, c’est tout.
CT :
Mais si l’on voit le désordre, il devient un ordre.
K :
Il faut que je le vois.
CT :
Je dois le voir clairement.
K :
Tout dépend, donc, de la façon dont on observe le désordre.
CT :
Il ne faut pas vouloir le résoudre.
K :
Oui, c’est cela la méditation. Donc, c’est en observant le
désordre –et la méditation consiste essentiellement en cela -,
c’est dans l’observation du désordre qu’est l’ordre, mais
pas un ordre issu de l’intellect. La méditation n’est donc pas
la quête d’une expérience personnelle. Ce n’est pas un
accomplissement personnel, le but étant de siéger un jour auprès
de dieu. Cela fait penser à ces gens qui parcourent les rues en
dansant, en chantant, en répétant « Hare Krishna ! »
- l’ordre ce n’est pas cela. Au contraire, ces gens-là suscitent
un désordre colossal ! Je n’aurai jamais de mots assez durs,
c’est vraiment une terrible calamité de voir les gens se livrer à
de telles pratiques. La méditation est-elle une pratique
quotidienne, ce qui suppose de se plier à un schéma établi,
s’astreindre à limitation, au refoulement ?
Vous
savez très bien tout ce que sous-entend le conformisme. Cette
soumission à un modèle, quel qu’il soit, peut-elle jamais mener
quiconque à la vérité ? Evidemment non.
Donc,
si l’on voit réellement – pas simplement théoriquement, mais de
manière effective- la fausseté de cette mise en pratique d’un
système, fut-il noble ou absurde ; si l’on comprend que cela
n’a pas de sens, alors que reste-t-il de la méditation ?
Vous
ne devriez pas être trop ici ; soyez si loin qu’ils ne
puissent vous trouver, qu’ils ne puissent en avoir après vous pour
vous modeler, vous mouler.
Soyez
si loin, comme les montagnes, l’air exempt de pollution ;
soyez si loin que vous n’ayez ni parents, ni relations, ni famille,
ni pays ; soyez si loin que vous ne sachiez même pas qui vous
êtes ; ne les laissez pas vous trouver ; ne les laissez
pas entrer en contact de manière trop proche.
Tenez-vous
loin là où vous ne pouvez même pas vous trouver vous-même ;
gardez une distance qui ne peut jamais être franchie ; gardez
un passage ouvert à travers lequel personne ne peut venir.
Ne
fermez pas la porte car il n’y a pas de porte, seulement une
ouverte, passage sans fin. Si vous fermez n’importe quelle porte,
ils seront très proches de vous, puis vous serez perdus.
Tenez-vous
loin là où leur souffle ne peut vous atteindre, et leur souffle
voyage très vite et très profondément ; ne vous laissez pas
contaminer par eux ; par leurs mots, par leurs gestes, par leur
grande connaissance.
Ils
ont une grande connaissance, mais soyez si loin d’eux que vous ne
pouvez même pas vous trouver vous-même. Parce qu’ils vous
attendent, à chaque coin de rue, dans chaque maison, pour modeler,
pour vous mouler, vous déchirer en morceaux, puis vous mettre tous
ensemble à leur propre image.
Leurs
dieux, les petits et les grands, sont des images d’eux-mêmes,
sculptés par leur propre esprit ou leurs propres mains. Ils vous
attendent, l’homme d’église et le Communiste, le croyant et le
non-croyant, parce qu’ils sont les mêmes ; ils pensent qu’ils
sont différents mais ils ne le sont pas car ils vous lavent tous
deux le cerveau, jusqu’à ce que vous soyez des leurs, jusqu’à
ce que vous répétiez leurs mots, jusqu’à ce que vous adoriez
leurs saints, les anciens et les récents, ils ont des armées pour
leurs dieux et pour leurs pays, et ils ont des experts en tuerie.
Tenez-vous
loin, mais ils vous attendent, l’éducateur et l’homme
d’affaires ; on vous entraîne pour les autres à vous
conformer aux demandes de la société, ce qui est une chose
mortelle.
Ils
feront de vous un scientifique, un ingénieur, un expert de presque
tout, de la cuisine à l’architecture, en passant par la
philosophie.
Tenez-vous
loin, très loin ; ils vous attendent le politicien et le
réformiste ; les uns vous traînent dans le caniveau, les
autres vous réforment.
Ils
jonglent avec les mots et vous serez perdus dans leur désert.
Tenez-vous
loin ; ils vous attendent, les experts en dieux et les lanceurs
de bombes ; les uns vous convaincront et les autres vous
montreront comment tuer ; il y a tellement de manières pour
trouver dieu, et tellement, tellement de manières de tuer.
Mais
outre tout cela, il y a les requêtes des autres vous disant quoi
faire et quoi ne pas faire, tenez-vous loin de tous ceux qui vous
attendent, mais alors le jeu devient si compliqué et divertissant
qu’alors vous serez perdu.
Vous
ne devriez pas être trop ici, soyez si loin que vous ne pouvez vous
trouver vous-même.
Ils
ont une chose appelée société et famille : ces deux sont
leurs réels dieux, le filet dans lequel vous serez empêtrés.
Krishnamurti’s
Notebook, Full Text Edition, pp. 379–381
Je
vous dis que pour moi il n'y a pas de preuve, que des croyances, et
vous vous revenez vers moi avec cette même exigence de la preuve,
prétendant vous la détenir, la preuve par le Livre. Ne voyez-vous
pas le problème ?
Pour
qu'il y ait discussion, il faut au minima partir sur des bases
saines. Si l'un des participants prétend détenir la Vérité aucun
échange n'est possible, absolument aucun.
Vous
me dîtes que vous voulez apprendre de moi, de ma différence, mais
comment cela serait-il possible ?
Pour
apprendre quelque chose, il faut être dans la position du
chercheur, le chercheur véritable ne part pas avec des certitudes,
il est une terre vierge, tout à fait vierge. Il ne sait pas. Il ne
joue pas au jeu de la question dans l'intention de placer sa
marchandise, de ramener la brebis égarée dans le droit chemin.
Monsieur,
il n'y a pas de chemin qui mène à la vérité. En moi la juste
distance, Krishnamurti disait avec tant de justesse :
Vous
ne devriez pas être trop ici ; soyez si loin qu’ils ne
puissent vous trouver, qu’ils ne puissent en avoir après vous pour
vous modeler, vous mouler.
Soyez
si loin, comme les montagnes, l’air exempt de pollution ;
soyez si loin que vous n’ayez ni parents, ni relations, ni famille,
ni pays ; soyez si loin que vous ne sachiez même pas qui vous
êtes ; ne les laissez pas vous trouver ; ne les laissez
pas entrer en contact de manière trop proche.
Tenez-vous
loin là où vous ne pouvez même pas vous trouver vous-même ;
gardez une distance qui ne peut jamais être franchie ; gardez
un passage ouvert à travers lequel personne ne peut venir.
Ne
fermez pas la porte car il n’y a pas de porte, seulement une
ouverte, passage sans fin. Si vous fermez n’importe quelle porte,
ils seront très proches de vous, puis vous serez perdus.
Tenez-vous
loin là où leur souffle ne peut vous atteindre, et leur souffle
voyage très vite et très profondément ; ne vous laissez pas
contaminer par eux ; par leurs mots, par leurs gestes, par leur
grande connaissance.
Ils
ont une grande connaissance, mais soyez si loin d’eux que vous ne
pouvez même pas vous trouver vous-même. Parce qu’ils vous
attendent, à chaque coin de rue, dans chaque maison, pour modeler,
pour vous mouler, vous déchirer en morceaux, puis vous mettre tous
ensemble à leur propre image.
Leurs
dieux, les petits et les grands, sont des images d’eux-mêmes,
sculptés par leur propre esprit ou leurs propres mains. Ils vous
attendent, l’homme d’église et le Communiste, le croyant et le
non-croyant, parce qu’ils sont les mêmes ; ils pensent qu’ils
sont différents mais ils ne le sont pas car ils vous lavent tous
deux le cerveau, jusqu’à ce que vous soyez des leurs, jusqu’à
ce que vous répétiez leurs mots, jusqu’à ce que vous adoriez
leurs saints, les anciens et les récents, ils ont des armées pour
leurs dieux et pour leurs pays, et ils ont des experts en tuerie.
Tenez-vous
loin, mais ils vous attendent, l’éducateur et l’homme
d’affaires ; on vous entraîne pour les autres à vous
conformer aux demandes de la société, ce qui est une chose
mortelle.
Ils
feront de vous un scientifique, un ingénieur, un expert de presque
tout, de la cuisine à l’architecture, en passant par la
philosophie.
Tenez-vous
loin, très loin ; ils vous attendent le politicien et le
réformiste ; les uns vous traînent dans le caniveau, les
autres vous réforment.
Ils
jonglent avec les mots et vous serez perdus dans leur désert.
Tenez-vous
loin ; ils vous attendent, les experts en dieux et les lanceurs
de bombes ; les uns vous convaincront et les autres vous
montreront comment tuer ; il y a tellement de manières pour
trouver dieu, et tellement, tellement de manières de tuer.
Mais
outre tout cela, il y a les requêtes des autres vous disant quoi
faire et quoi ne pas faire, tenez-vous loin de tous ceux qui vous
attendent, mais alors le jeu devient si compliqué et divertissant
qu’alors vous serez perdu.
Vous
ne devriez pas être trop ici, soyez si loin que vous ne pouvez vous
trouver vous-même.
Ils
ont une chose appelée société et famille : ces deux sont
leurs réels dieux, le filet dans lequel vous serez empêtrés.
Krishnamurti’s
Notebook, Full Text Edition, pp. 379–381
Voici un texte de Krishnamurti, ces mots me parlent toujours aussi fort tant je suis en accord avec ce qu'ils disent.
Vous
ne devriez pas être trop ici ; soyez si loin qu’ils ne
puissent vous trouver, qu’ils ne puissent en avoir après vous pour
vous modeler, vous mouler.
Soyez
si loin, comme les montagnes, l’air exempt de pollution ;
soyez si loin que vous n’ayez ni parents, ni relations, ni famille,
ni pays ; soyez si loin que vous ne sachiez même pas qui vous
êtes ; ne les laissez pas vous trouver ; ne les laissez
pas entrer en contact de manière trop proche.
Tenez-vous
loin là où vous ne pouvez même pas vous trouver vous-même ;
gardez une distance qui ne peut jamais être franchie ; gardez
un passage ouvert à travers lequel personne ne peut venir.
Ne
fermez pas la porte car il n’y a pas de porte, seulement une
ouverture, passage sans fin. Si vous fermez n’importe quelle porte,
ils seront très proches de vous, puis vous serez perdus.
Tenez-vous
loin là où leur souffle ne peut vous atteindre, et leur souffle
voyage très vite et très profondément ; ne vous laissez pas
contaminer par eux ; par leurs mots, par leurs gestes, par leur
grande connaissance.
Ils
ont une grande connaissance, mais soyez si loin d’eux que vous ne
pouvez même pas vous trouver vous-même. Parce qu’ils vous
attendent, à chaque coin de rue, dans chaque maison, pour modeler,
pour vous mouler, vous déchirer en morceaux, puis vous mettre tous
ensemble à leur propre image.
Leurs
dieux, les petits et les grands, sont des images d’eux-mêmes,
sculptés par leur propre esprit ou leurs propres mains. Ils vous
attendent, l’homme d’église et le Communiste, le croyant et le
non-croyant, parce qu’ils sont les mêmes ; ils pensent qu’ils
sont différents mais ils ne le sont pas car ils vous lavent tous
deux le cerveau, jusqu’à ce que vous soyez des leurs, jusqu’à
ce que vous répétiez leurs mots, jusqu’à ce que vous adoriez
leurs saints, les anciens et les récents, ils ont des armées pour
leurs dieux et pour leurs pays, et ils ont des experts en tuerie.
Tenez-vous
loin, mais ils vous attendent, l’éducateur et l’homme
d’affaires ; on vous entraîne pour les autres à vous
conformer aux demandes de la société, ce qui est une chose
mortelle.
Ils
feront de vous un scientifique, un ingénieur, un expert de presque
tout, de la cuisine à l’architecture, en passant par la
philosophie.
Tenez-vous
loin, très loin ; ils vous attendent le politicien et le
réformiste ; les uns vous traînent dans le caniveau, les
autres vous réforment.
Ils
jonglent avec les mots et vous serez perdus dans leur désert.
Tenez-vous
loin ; ils vous attendent, les experts en dieux et les lanceurs
de bombes ; les uns vous convaincront et les autres vous
montreront comment tuer ; il y a tellement de manières pour
trouver dieu, et tellement, tellement de manières de tuer.
Mais
outre tout cela, il y a les requêtes des autres vous disant quoi
faire et quoi ne pas faire, tenez-vous loin de tous ceux qui vous
attendent, mais alors le jeu devient si compliqué et divertissant
qu’alors vous serez perdu.
Vous
ne devriez pas être trop ici, soyez si loin que vous ne pouvez vous
trouver vous-même.
Ils
ont une chose appelée société et famille : ces deux sont
leurs réels dieux, le filet dans lequel vous serez empêtrés.
Penser
à partir de conclusions n’est tout simplement pas penser.
Contrôler
le désir, c’est le rétrécir et être égocentrique. Le
discipliner, c’est élever un mur de résistance qui finit toujours
par être abattu, à moins, naturellement, que vous deveniez névrosé
et ne vous attachiez à une seule forme de désir. Sublimer le désir
est un acte de volonté, mais la volonté est essentiellement la
concentration du désir, et lorsqu’une forme de désir en domine
une autre, vous êtes à nouveau plongé dans les vielles structures
de la lutte et du conflit.
Savoir
et informations éclairent peut être le fait mais ne sont pas le
fait. Seul le contact direct qui est total est la connaissance du
fait.
Mourir
à tout ce que vous avez appris, c’est cela apprendre. Cette mort
n’est pas un acte final : c’est mourir au moment qui passe,
d’un instant à un autre.
La
souffrance ne peut se comparer. La compassion entraîne l’apitoiement
sur soi-même et le malheur n’est pas loin. L’adversité doit
être appréhendée directement.
"Il
y a tant à faire dans ce monde, détruire la misère, vivre heureux,
vivre dans la félicité au lieu du tourment et de la peur,
construire une société d'un genre entièrement différent, une
moralité qui soit au-dessus de toute moralité. Mais ceci ne peut
être accompli que quand la moralité de la société actuelle est
complètement rejetée. Il y a tant à faire et cela ne peut pas être
fait tant que ce processus constant d'isolement se poursuit. Nous
parlons du "moi" et du "mien", et de "l'autre"
- l'autre est de l'autre côté du mur, le moi et le mien sont de ce
côté-ci. Alors comment cette essence de résistance, qui est le
moi, comment peut-elle lâcher prise complètement ? Parce que c'est
là véritablement la question la plus fondamentale dans tous nos
rapports. Nous avons vu que les contacts entre les images n'en sont
pas véritablement. Quand ce genre de rapports existe il y a
forcément conflit, inévitablement nous nous sautons à la gorge les
uns des autres.
Si
vous vous posez cette question, vous direz : "Faut-il que je
vive dans un vide, dans un état de vacuité ?" Je me demande si
jamais vous avez su ce que c'est d'avoir l'esprit complètement vide.
Vous avez toujours vécu dans un espace engendré par le "moi"
(un espace très restreint). Cet espace que le "Je", ce
processus d'auto-isolement, a créé entre un être humain et un
autre, c'est le seul espace que nous connaissions - celui qui s'étend
entre soi-même, le centre et la circonférence - la frontière
construite par la pensée. C'est dans cet espace que nous vivons, et
dans cet espace il y a toujours division. Vous vous dites : "Si
je me laisse aller, si je renonce, si j'abandonne ce "moi",
je vivrai dans le vide." Mais avez-vous jamais lâché prise du
"moi", l'avez-vous fait vraiment, au point qu'il n'existe
plus de moi du tout ?"
J.
Krishnamurti Au seuil du silence Paris,
1968 : Quatrième entretien