mardi 20 octobre 2020

Les petites histoires de Mamie Miche, les enfants ... (21)

 

Chassé-croisé, un continent en marche


Près de l’école, je passe avec les chiens

C’est l’heure de la récréation

Je guette si je le vois …

 

Il déambule dans la cour, tête basse, à grandes enjambées

Il est si grand, on dirait un héron fouillant les vases

Au milieu d’une volée de moineaux.


Il disparaît de mon champ de vision

Plus loin, entre deux murs, un passage étroit

Deux taties font la garde, chaises barrant le coin

Ici les enfants n’ont pas le droit d’aller bailler au portillon.

 

Le voilà, alors que j’allais partir, qui vient s’asseoir

Juste là dans le coin

Je l’appelle : « Maxime, Maxime »

Il ne m’entend pas

A la troisième tentative, il lève la tête, me voit

Rien ne bouge dans son visage, si sombre.

 

Souvenir de lui, bébé, dans la voiture de son père

Au fond de son siège auto, triste, si triste

Sentir au plus profond de mon être toute sa détresse.


Souvenir de son père…

Il avait trois ou quatre mois

Je l’avais laissé quelques jours, pour régler une affaire

De Nîmes à Paris, de Paris à Nîmes

Pas seul, évidemment, confié à son père et un couple d’amis

Le retrouver, prostré, triste, si triste…

Des heures pour le sortir de sa bulle mortifère

Des heures à le caresser, le cajoler

Rire, en ayant envie de pleurer

Et partager enfin la joie, retrouver son sourire.

 

L'enfant franchit l’interdit, me rejoint au portail, me tend son minois

« Ça va pas ? »

Il me dit que si…  et puis, presqu’à regret :

« C’est seulement que personne ne veut jouer avec moi »

 

J’ai rien dit, les mots de réassurance sont tombés sans que je les retienne

Ils ne disent que des conneries

Juste le caresser, rire avec lui, le temps d’un regard

Que je prolonge ici.

 

Ce que tu vis, mon petit, je le connais si bien

La solitude de la différence, invisible parfois

Là, en soi. Voir ce que les autres ne voient pas

Sentir, ce qu’ils ne sentent pas…

Pas moyen de s’intégrer, comme on dit

Il faudrait régner en maître, ou se soumettre

Que ces deux voies qui n'en sont pas

Restent loin de toi.

 

Tu vas apprendre, dans cette si difficile mise en relation

Tu vas apprendre à la connaître TA différence

C’est ta plume d’ange à toi

Et lorsque tu la verras aussi clairement que ce ciel vacuité

Tu trouveras quelqu’un... les yeux ouverts, et...  rire avec toi !


Et si cela ne se faisait pas !

Quelle importance !

Cela ne fait pas besoin, ni urgence

On n’est jamais seul quand l’énergie circule

Et surtout, on sait que tout est écrit, utile à …

Alors vraiment, plus rien n’a d’importance

Tu iras le pas paisible, je te le dis.



De pas en pas... Je passe encore avec les chiens...

Tu as grandi encore

Je te vois traverser la cour

Ce n’est pas l’heure de la récréation

Tu es si paisible

Me revient cette image de toi, dans cette même cour

Arpentant rageusement, la tête scrutant le vide à tes pieds.

 

Mon cœur sourit, c’est un continent qui se montre à voir

Cet enfant est un continent en marche...




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