samedi 2 janvier 2021

Souvenir, un jour là-bas ... Nevers

 

Les Côtes du Nivernais, pays d’élevage, les vaches accompagnent la lente marche du regard, elles cessent de brouter pour mieux profiter du spectacle. Dans ce pré, elles sont quinze à se mettre en ligne, le taureau est resté en retrait. La pérégrina s’arrête, les vaches attendent patiemment qu'elle reprenne la route. On dit que les vaches regardent les trains passer, elles se souviennent du temps de la transhumance, images de vastes prairies, d’herbes sauvages... pourtant rien ne va dans cette direction, le progrès avec ces hangars, ces entraves.
Autre signe du progrès les fontaines vives ne sont plus que des bouches asséchées. C'est à l'habitant qu'elle demande l'eau indispensable. Tous sont contents de lui rendre ce service. La petite dame,  qu'elle quitte, a rempli la gourde d’eau minérale : 
« Comme pour nous ! »
Afin de soulager ses pieds elle ôte régulièrement chaussures et chaussettes, après quelques minutes la température baisse, il est temps de repartir.
Elle a hâte d’arriver à Nevers où elle a décidé de dormir à l’hôtel. L’idée d’un bon lit, d’une douche, elle avance d’un bon pas. « Il me faudra aussi laver mon linge, j’irai dans un lavomatique, et puis je passerai dans une pharmacie tenter de soulager mes extrémités avec quelque produit miracle. Demain, avant de quitter la ville, j’irai rendre visite à Bernadette. Oui c'est une drôle d'idée je sais, encore plus bizarre... comme une promesse. Celle-là je ne me souviens pas à qui je l'ai faite ! »

L’hôtel pas cher est aux confins de la ville, mais sans le sac elle se sent capable d’aller au bout du monde.
Pas de lavomatique dans cette ville, est ce possible ? C’est ce qu’on lui dit à la pharmacie. En fait il y en aurait un, en direction de Carrefour, près de la caserne des militaires, il faut franchir le pont de chemin de fer mais c’est LOIN, pour quelqu’un qui va à pieds. Pas aimables, le monsieur et la dame, elle se sent malmenée par leur indifférence hautaine.
La nuit commence à tomber, elle a tourné, tourné sans trouver le pont. La fatigue est grande et le bel enthousiasme s’est envolé. Comme un automate, elle avance, elle ne sait plus rien décider. Une longue rue qui semble ne jamais devoir finir, elle avance, il n’y a plus rien d’autre à faire.
Elle reconnaît l'endroit, pourtant elle n’y est jamais venue. Malgré l’heure tardive c’est encore ouvert. Bernadette repose en ce lieu, si petite, tellement belle. En sortant de la chapelle, après la sévère façade du couvent, elle traverse les jardins, l'endroit où le corps a connu la terre sans y succomber, tout en bas la source. De l’autre coté du mur, la ville et son agitation… incroyable tout est là, identique à ce que la pharmacienne a expliqué : le pont de chemin de fer, la caserne…

Elle a eu le temps de laver et de sécher ses quelques nippes. Au café où elle attend que le linge soit prêt, la fleuriste est venue bavarder avec la serveuse : « Quand on a mal aux pieds, on a mal partout ». La pérégrina lève les yeux sur celle qui se plaint, fatigue et souffrance se mêlent dans le creux des rides, un sourire, ces deux-là se rencontrent, intensité du partage silencieux.
Son linge propre sous le bras, elle demande le chemin à une femme devant le portail d’une grande maison. Effrayée par la distance pour rejoindre l’hôtel, cette femme va chercher son mari, la voiture et ils la raccompagnent. La nuit est définitivement tombée sur la ville.

Suspension du temps, ces inconnus si proches… tout l’univers, là, en cet instant.




Abbaye Bernadette

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