jeudi 9 septembre 2021

Participation à Mil et Une

 


Elle raconte...

"Je venais pour faire le ménage dans la chambre lorsque je remarque une énorme chenille qui grimpe sur la vitre derrière le rideau.

Je la dérange un peu, manœuvrant la fenêtre, puis je la surveille tout en faisant le lit. Je me dis que les états d’âme changent vite de couleurs, il y a quelques minutes j’étais dans la grisaille de la séparation, et me voici dans les roses de l’espoir.

Une chenille ! Un papillon ! Peut être même pouvoir être témoin de ça, ici même dans la chambre où le corps s’endort tous les soirs.

Pas d’emballement, regarde, là encore il pourrait y avoir cause de déception, attend pour te réjouir de savoir si vraiment elle s’installe là pour faire son cocon. Alors oui, chaque jour tu pourras observer cette magnifique transformation, l’entendre vibrer doucement à son propre rythme, être cela puisque tu es là.

Mais avant ne va pas construire château en Espagne ! C’est quand même ta spécialité, un tel enthousiasme ! Il avait raison, celui qui sans cesse te disait « Toi si tu étais poisson tu mordrais à l’hameçon à chaque occasion ! »

Bon, là, j’attends, et d’avance j’accepte puisque j’attends.

 

Elle a disparu, le temps d’écrire les mots ci-dessus ! Je l’ai cherchée, ne pas la blesser si elle se trouve en quelques encoignures. J’ai retrouvé ainsi des margouillats et de petits crapauds écrasés par inadvertance. Et puis je veux savoir où, en si peu elle a pu aller.

Peine perdue, il faut se rendre à l’évidence, elle est introuvable.

Alors se dire que c’est à cause de ces mots, ces mots de trop que l’on s’est empressé d’écrire. Deux pies bonheur, une pie malheur !

Non, cela est prêté aux mots un pouvoir qu’ils n’ont pas ! Juste voir le mystère de cette apparition et de cette disparition, mystère puisqu’on ne sait pas.

 

La couleur rose s'assombrit. Ah, l’attente n’est pas innocente, elle porte en elle le germe d’autre chose ! On ne décide pas du renoncement, c’est encore reporter dans le temps, jeux de la pensée, histoires que l’on se raconte.

Alors les mots ?

Chut, pas de réponse à cette question, ce serait encore projeter de l’avant.

 

Et dans ce silence, Voir que cette chenille n’a disparue qu’aux yeux aveugles. Elle est là, quelque part, à poursuivre son propre cheminement en un lieu plus propice pour sa métamorphose. Juste que là où elle est, je n’y suis pas.

J’entends l’ami, me dire : « Tu es ce que tu observes. »  L'observation ne se poursuit t-elle pas au delà du regard ?

Oui, lui vit cela, et il le met en mots, ce n’est pas mensonge. Mais ces mots ne sont pour moi qu’une description, ils ne me permettent pas de Voir, juste me donner l’illusion dans un moment d’égarement.

L’amour n’est pas cela, il est ni de vouloir changer l’autre, ni de lui donner ce qu’il n’a pas. On aimerait tant que cela soit possible !

Il n’est pas non plus vouloir le rejoindre là où il en est, devenir pour mériter. Il n’est pas marcher l’un vers l’autre, qu’à chaque pas on s’éloigne de la vérité...

 

Ah, j’ai retrouvé la chenille, elle se tortillait sur le carrelage du salon. Je l’ai doucement attrapée pour la porter ailleurs. Mais où ?  Je suis ignorante, de ses besoins.

Dans l’ombrière, au milieu des plantes, je l’ai déposée. Elle est  jaune, pointillée et zébrée, elle pointe un dard qui doit se vouloir menaçant.

"Te voilà libre d'aller à ta convenance."

 

Sa convenance ? S'enterrer dans la terre. C'est qu'elle ne savait pas que certaines chenilles entrent dessous pour le travail de la métamorphose... il y a tant de choses que nous ne savons pas, faute d'écouter, de regarder, faute d'attention, faute de silence. Nous sommes tellement agités d'émotions, de peurs, de désirs, de refus de ce qui est.



Participation à Mil et Une , merci ... 

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