mardi 30 août 2022

Un, deux, trois soleil, fais moi rêver

 
Petit Tom regarde avec insistance sa mère-grand : « Mamy, fais moi rêver ! »
« Mince alors, se dit la grand-mère, d’habitude ce sont les enfants qui inventent des histoires. »
Elle réfléchit un peu, peut être bien qu’il ne s’agit pas d’inventer, mais de raconter ?
« Oui, oui, raconte-moi quand tu étais petite ! »
Les voici, assis dans le grand sofa rouge, bien confortables dans les vieux coussins, et la voix grave, un peu rauque, raconte.
« J’étais petite comme toi, j’allais en vacances chez ma grand-mère, Mariette. Avec le papet, ils avaient une ferme, deux vaches, deux chevaux, un cochon, des poules, des canards, des lapins et des rats qui couraient le grenier, ah, il y avait aussi un chien.
Les chambres n’étaient pas chauffées et l’hiver il faisait bien froid, alors Mariette mettait dans le four de la cuisinière une brique qui devenait bouillante. Elle l’enveloppait de papier journal, et glissait le tout, entre les draps. Quand l’heure de se coucher venait, le lit était bien douillet, et longtemps les pieds gardaient le contact chaud.

Au petit matin frileux, comme il était difficile de sortir de cette couche, je regardais longtemps à travers la lune des volets le jour se lever.
la lune des volets ?
oui, dans les volets en bois, il y avait une ouverture en forme de croissant de lune.
tu mettais des couches ?
mais non, ballot, c’est un mot pour dire le lit. Pas l’objet, mais là où il fait si bon y être. »
Petit Tom sourit, et se pelotonne un peu plus encore, il aime, ces mots bizarres que mère-grand utilise comme des ustensiles de cuisine, il aime la chanson de sa voix qui monte et descend, agite comme la cuillère la soupe. Il rit : parfois même, des éclaboussures !
« Encore mamy ! 
ah, je commence à être fatiguée de parler ! »

 Petit Tom se serre encore un peu plus, alors ...
« Ma grand-mère Mariette, avait donc deux vaches, chacune avait un prénom, elle les aimait avec affection. Elle aimait tous les animaux, et pourtant, elle tuait le pigeon en l’étouffant dans ses mains. C’était curieux, ce n’était pas cruel, je crois bien qu’elle faisait cela avec amour.
Le matin, elle emmenait les vaches au prés, les rentrait le soir à l’étable où elles passaient la nuit. Bien sûr j’allais avec elle, et tout allait bien, sauf si nous rencontrions quelques voisins, je n’aimais pas les gens, je n’aimais pas dire bonjour. Mais ce qui était bien, c’est que Mariette ne m’embêtait pas avec ça, elle ne disait pas : Dis bonjour Michelle, dis bonjour ! Tu seras punie, Michelle !!!! ».
 Et les voilà, partis à rire sur le sofa rouge.
« Le soir, elle les trayait ses vaches, moi je m’installais dans le fond de l’étable sur le tas de foin, et je lisais, des livres interdits.
des livres interdits ?
oui… »
Les yeux plissés de rides, brillent de malice.
« Y’avait la voisine, Mme Bignon, qui lisait des romans feuilletons d’amour et qui les donnait à  grand-mère. On m’interdisait ce genre de lecture, mais Mariette me les filait en douce.
Ahhhh, comme il faisait bon dans l’étable, cette bonne odeur de foins mêlés, la chaleur des bêtes, le travail paisible de Mariette, la giclée de lait dans le seau en métal, le déplacement d’air dans le balancement des queues de vaches… »

Petit Tom, a fermé les yeux, non il ne s’est pas endormi, il est là-bas dans l’étable, Mariette, les vaches…
La giclée de lait, ne claque plus le vide du seau, elle rebondit dans la douceur blanchâtre qui mousse peu à peu. 


Velluet Louis Adolphe Alphonse

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de vos commentaires