L’histoire
que je vais vous raconter, qui est la mienne, ce n’est pas une
histoire gaie, mais c’est l’histoire de ma vie, ma vie de chien.
Tout
a commencé…
En
fait je ne me souviens pas des caresses de ma mère, ni du lait que
j’ai du boire à ses tétines. Cela a du commencer comme ça,
forcément, si non je ne serais pas là à vous raconter. Peut être
que ça n’a pas duré assez longtemps, peut être qu’on m’a
retiré trop tôt de ses chaudes mamelles.
Le
premier souvenir, c’est une grande case, il y avait des deux
pattes. On s’est occupé de moi, on m’a porté, j’en faisais
qu’à ma tête. On me trouvait mignon, j’en profitais. Non pas
que j’avais le fond mauvais, comme on a dit plus tard, mais je ne
savais pas m’arrêter, je ne trouvais pas mes marques, je ne savais
pas qui j’étais, ni vraiment ce que je devais faire.
J’ai
dormi dans la maison. Rien ne m’était interdit, du lit au canapé
j’ai profité de cette grande liberté. Puis on a trouvé ça
gênant, elles ont voulu mettre de l’ordre dans le désordre que je
laissais derrière moi. On m’a enfermé dans la cuisine le soir
venu, je pleurais doucement, puis très fort. J’ai dormi dehors, et
là, c’était pire que tout : le noir, les bruits, les odeurs,
c’était terrible.
Enfin,
j’ai cessé de pleurer.
J’étais
souvent seul.
J’ai
commencé par tirer les chaussures, ces drôles de choses avec cette
odeur si particulière, puis je les ai mordillées. Là, j’ai pris
des coups.
Il
n’y a qu’une chose sympa, dont je me souvienne.
Elle
passait le chemin, avec trois de mes congénères, grands, tous
noirs, un poil frisé, un poil ras et un poil long. Je les ai,
longtemps, regardés de loin. Ils partaient dans les champs de canne,
revenaient par le même chemin. Tout petit que j’étais, ils
m’impressionnaient, ces trois gaillards. Elle criait Pilou,
Moustique, Noiraud ! Ils allaient et venaient, tantôt revenant
vers elle, tantôt s’éloignant. Des fois, je l’entendais les
houspiller, mais aussi elle leurs parlait d’une façon qui me
réchauffait le cœur. Quand elle leurs disait : « Mes
bons chiens », il y avait là quelque chose de particulier, un
peu comme si elle avait su parler notre langue.
Ce
n’était pas toujours elle qui allait sur le chemin, lui, il était
plus fort mais aussi plein de douceur. A se demander si ceux là,
étaient vraiment des deux pattes.
Enfin,
un jour, j’ai osé une approche, les bons chiens m’ont vu, et
devant leurs cavalcades, je me suis enfui. C’est ainsi que petit à
petit je suis allé vers eux, fuyant à leur approche, y retournant
dès qu’ils tournaient le pas. C’était un jeu qui m’amusait
beaucoup.
Ce
jeu a pris fin lorsqu’ils ont réussi à m’encercler. Je n’en
menais pas large, ils m’ont reniflé, bousculé un peu, puis se
sont désintéressé. Alors je les ai suivis.
C’était
facile, la cour de la grande case n’était jamais fermée, j’en
sortais comme je voulais. Je les suivais, courais devant, réclamais
une caresse qu’on me donnait de bon gré, puis je rentrais chez
moi. Chez Moi ? Ce n’est pas approprié, mais je rentrais.
Au
début je me suis contenté de ces sorties, au lever, au coucher du
soleil. Mais très vite m’est venu le désir de rentrer avec eux,
dans l’autre maison. Elle me renvoyait, me ramenait, me tirait.
Malgré tous mes efforts je ne suis jamais parvenu à passer le
portail, et cette maison là était bien fermée.
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