lundi 12 février 2024

L'image du vivant


Il y avait ce phénomène étrange, chaque matin, à peu près à la même heure, ce coup de vent violent, soudain, qui surgissait entre les montagnes, s’emparant des bosquets et des longues branches des filaos, s’engouffrant dans la maison, claquant la porte de la chambre, celle là puisque c’est la seule en cette maison.
Mais là, cela durait et peut être, annonçait une journée vouée au souffle des alizés.

La pensée est volatile, elle brasse la poussière des souvenirs, et en conscience en ramène un. Il s’impose avec le visage affolé de cette mère venant chercher l’enfant à l’étude surveillée. Par je ne sais quelles circonstances, elle avait consulté le cahier de texte et me dit : « Les CP, doivent ramener un animal vivant ! »
Un animal ?  vivant ? Mais quoi ? Un chien, un escargot, un… ?
Les enfants interrogés restaient muets, l’air ailleurs, cette affaire ne les concernait pas.
J’allais en rester là, pas de CP, dans mon groupe. Mais la dame insiste et revient vers moi, le cahier de texte grand ouvert : "Ramener une image d’un être vivant et une image d’un être qui n’est pas vivant"
Ah !  L’être ne pouvait être qu’un animal, et l’image n’avait aucune chance face au vivant. Ne dit-on pas le Christ vivant pour l’hostie à la messe, et ici, la messe rassemble inexorablement, petits et grands.
Même après l’explication donnée aux enfants, je sens qu’elle n’est pas rassurée, je lui souris.
« Une image, mais où trouver une image ? »
Suis pas sûre de l’avoir pleinement contentée avec mon histoire de prospectus de Noël qui envahissent déjà les boites à lettres. Je l'ai regardée s'éloigner le cartable dans une main, dans l'autre elle tenait fermement l'enfant...
 
Le vent s’est tu. Impossible de dire s’il a franchi les sommets, s’il s’en est allé vers l’océan, ou bien s’il s’est endormi dans la petite plaine.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de vos commentaires