Il
y avait ce phénomène étrange, chaque matin, à peu près à la
même heure, ce coup de vent violent, soudain, qui surgissait entre
les montagnes, s’emparant des bosquets et des longues branches des
filaos, s’engouffrant dans la maison, claquant la porte de la
chambre, celle là puisque c’est la seule en cette maison.
Mais
là, cela durait et peut être, annonçait une journée vouée au
souffle des alizés.
La
pensée est volatile, elle brasse la poussière des souvenirs, et en
conscience en ramène un. Il s’impose avec le visage affolé
de cette mère venant chercher l’enfant à l’étude surveillée.
Par je ne sais quelles circonstances, elle avait consulté le cahier
de texte et me dit : « Les CP, doivent ramener un animal
vivant ! »
Un
animal ? vivant ? Mais quoi ? Un chien, un
escargot, un… ?
Les
enfants interrogés restaient muets, l’air ailleurs, cette affaire
ne les concernait pas.
J’allais
en rester là, pas de CP, dans mon groupe. Mais la dame insiste et
revient vers moi, le cahier de texte grand ouvert : "Ramener
une image d’un être vivant et une image d’un être qui n’est
pas vivant"
Ah !
L’être ne pouvait être qu’un animal, et l’image n’avait
aucune chance face au vivant. Ne dit-on pas le Christ vivant pour
l’hostie à la messe, et ici, la messe rassemble inexorablement,
petits et grands.
Même
après l’explication donnée aux enfants, je sens qu’elle n’est
pas rassurée, je lui souris.
« Une
image, mais où trouver une image ? »
Suis
pas sûre de l’avoir pleinement contentée avec mon histoire de
prospectus de Noël qui envahissent déjà les boites à lettres. Je
l'ai regardée s'éloigner le cartable dans une main, dans l'autre
elle tenait fermement l'enfant...
Le
vent s’est tu. Impossible de dire s’il a franchi les sommets,
s’il s’en est allé vers l’océan, ou bien s’il s’est
endormi dans la petite plaine.