Au petit matin, la cape laissée dehors, suspendue à une branche du tilleul, était coupée net, un danger aura passé tout près.
Elle a repris la route, et n’y a plus pensé.
"Il
vaut mieux manger son pain noir avant son pain blanc". C’est ce que tu
répétais, si souvent, ma tante. L’enfant aimait ces mots, promesse d’une
récompense puisque le pain noir nous le mangions, et puis tu les disais
avec tellement d’entrain.
Trahison, ma tante, mensonge que cela !
Tout
est là, notre résignation à subir, la confusion de nos esprits, la
persistance de l’illusion, notre fuite en avant. Sous cette prétendue
sagesse, l’arme fatale, celle qui mène du fol espoir à la désespérance.
Comme si quelque chose pouvait être définitivement acquis ! Il n’en est
rien, pain noir et pain blanc se succèdent dans cet état d’impermanence.
Ainsi,
il en va de, marcher, s’arrêter pour se reposer et encore marcher.
Inutile de se lamenter devant la route droite à n’en plus finir, se
laisser pénétrer par ce rythme lent, ne pas se séparer.
Et
puis… ces étincelles : la dame du bistrot n’a pas voulu que je règle le
café, comme ça… Comme si ce n’était pas elle et que ce n’était pas moi,
comme si quelque chose de définitivement beau pouvait exister.
Chateaumailland.
L’église est belle, elle résonne aux battements du cœur. Intense
émotion devant une vierge du rosaire, une vague qui prend, emporte et
redépose, les yeux plein de lumière.
Au
presbytère, elle est accueillie par un père d’une communauté dont elle
ne retient pas le nom. Il lui offre du café, de la compote de rhubarbe
tellement rafraîchissante. Il lui parle d’une voix douce et chaleureuse,
les mots ne laissent aucune trace en son esprit, tout son être est à
l’écoute. Dans une si grande intimité, cet homme la pénètre en quelques
"secrets". Elle ne veut pas, pas encore…
Il
a proposé le gîte et le couvert, elle a refusé, prétextant qu’il était
trop tôt pour s’arrêter. Il lui faut poursuivre son chemin.
La ville, je l’ai traversée sans même m’en rendre compte, et me voici dans les faubourgs sans eau, sans pain, sans soupe.
J’ai
continué comme ça, jusqu’à 19h. Arrêt entre Chaume de Bois et
Montlévicq. Dans cette campagne, largement ouverte, de champs et de
prés, m’en suis allée vers un petit bois qui pourrait offrir un abri.
Dès que je franchis la lisière une atmosphère lugubre me tombe dessus,
ce n’est que désolation en cet endroit sombre, comme si des bêtes
féroces avaient dévasté.
Je m’éloigne et monte la toile sur le chemin, espérant qu’aucun engin n’aura besoin de passer par là.
La
vue s’étend en lignes courbes, au loin une ferme isolée. Dans la
prairie, de jeunes bœufs sont venus se frotter le cuir aux troncs
déracinés, puis ont disparu à la tombée de la nuit.
Je suis seule maintenant.

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