samedi 26 juillet 2025

Chemin de Compostelle - Le 31 Mai 1999


Dominique marche avec moi de Rejtons au petit pont, pour me mettre sur le chemin balisé. Elle me donne une coquille. Un peu grondeuse, elle me fait remarquer que c’est ainsi qu’on reconnaît le pèlerin. Je souris, et remercie. Au moyen âge, avant de s’en retourner, le pèlerin allait chercher la coquille St Jacques au cap Finistère. Celle-là attendra au fond du sac.
A Roquefort, je m’arrête chez Mme Loublié. Bien avant que s’organise l’accueil des pèlerins dans la région, cette dame offrait le gîte et le couvert, elle garde le cachet à apposer sur la credencial. C’est la première fois que je fais un détour, et même un arrêt, pour officialiser ce document qui ne sera utile qu’en Espagne. Sur le camino, impossible d’accéder aux gites sans cette preuve tangible du cachet.
 
Tu as ouvert la porte, toute petite et menue. Je t’écoutais. Dans le flot de tes paroles, et tu t’en excusais de parler tant, de me retenir, et je te rassurais, dans cette vague les souvenirs venaient se dire, et l’émotion aussi.
Ta mère qui ne savait pas lire : « Je lui apprenais, elle n’y arrivait pas. Je vois encore les larmes dans ses yeux ».
Toi petite fille déplacée durant l’occupation en Auvergne, que vous habitiez à Paris, et qu’il n’y avait pas grand-chose à manger. Toi, en manque des bras de ta mère, tu allais le soir sous un grand sapin, et lorsque le vent chantait dans les branches, tu lui confiais tout ton amour, qu’il s’envole jusqu’au cœur de la cité.
Je t’ai quittée, il le fallait bien, te prenant dans mes bras. Je t’ai demandé l’autorisation de t’embrasser, nous n’étions plus qu’une. Nous sommes cela, dans cette tension vivante que nous comprenons si mal, voulant lui faire dire ! Alors qu’elle ne peut pas, elle agit.
J’ai quitté Roquefort, sans avoir fait les commissions prévues, il était trop tard.
Je filais bon train, lorsque je suis tombée sur Alain, il m’a remise sur le bon chemin. Je m’étais trompée, un peu plus bas, il venait vérifier la signalisation qui lui paraissait douteuse à cet endroit.
Pour le repas du midi, j’ai mangé les œufs durs que Dominique avait eu la bonne idée de me donner.
Arrêt à 16 heures, chez Maggy qui m’attendait, prévenue par les amis de Rejtons. Elle est veuve, elle vit seule dans cette maison.
Ce soir donc, tête à tête féminin. Je les aime, ces rencontres féminines, tout y est simple, connu, et doux.


 
Berthe Riou 

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