Un
jour, sur le chemin de Compostelle, un passage difficile entre France
et Espagne, la fatigue d'un voyage à pieds déjà si long, et puis
ne pas parler espagnol, et puis la pluie, et puis... l'envie
poignante de rentrer à la maison.
La
veille il y avait eu Janine, accueillante au gîte de St Jean Pied de
Port, c'est fou quand cet espace s'ouvre entre deux personnes !
Je ne montrais ni ma peine, ni ma souffrance, et mes larmes ne
coulaient que dans la solitude du chemin, mais j'ai si bien senti
tout son corps, recevoir, caresser, consoler, dans le silence, comme
si de rien n'était. Ouahhh, ça c'est très fort ! Elle m'avait
aussi donner quelques conseils : avec ce temps ne pas aller
seule par la montagne, préférer alors la route pour se rendre à
Roncesvalles.
J'avais
pris rendez-vous avec un petit groupe de filles, mais le matin à
l'aube, j'ai attendu en vain, alors j'ai pris la route...
Me
suis arrêtée, la frontière passée, sur un parking. Que cet
endroit était sale et inhospitalier ! Flaques boueuses tachées
d'hydrocarbures, poutres métalliques, rouilles, tout le désastre
de la civilisation me pénétrait. Mais il y avait nécessité, un
peu me reposer, poser le sac, manger...
J'étais
là, assise du bout des fesses, lorsqu'est arrivé un petit chat...
doux jésus, il était si maigre, borgne, dépoilé. Ouahhh la
vague ! Incommensurable vague, la misère, la souffrance, la
peur, je ne pouvais plus y résister, elle m'a emportée comme elle
emportait tout en cet endroit, croisement de lignes invisibles...
Puis,
j'ai donné à manger à ce pauvre minou, l'ai caressé, lui ai
parlé : « Je ne peux pas t'emmener, il faut que j'y aille
». Alors, sans plus me retourner, j'y suis allé.