J'étais comme ça, sur le tas de foin
Dans l'étable avec ma grand-mère
Celle qui avait deux vaches
Elle les trayaient tous les soirs.
Là, il y avait de l'amour
Dans cette étable.
Sortie de ce cocon
Tout en moi, criait
« Y'a pas d'amour dans tout ça ! »
Et bien voilà, j'ai pu lui dire
Soixantaine années passées
Je l'ai crié par-dessus les océans et les déserts
« Y'a pas d'amour dans tout ça ! »
« Tu comprends ? Comment ont-ils pu ?
La placer dans cet endroit, même pas sa propre chambre
Comment ont-ils pu ! contre son gré !
Elle ne voulait pas quitter sa maison
Rien n'a été fait pour qu'elle puisse y rester
Tu comprends ?
On s'en fout qu'elle ne faisait plus sa toilette !
On s'en fout, ce n'est pas ça qui est important !
Tu comprends ?
Y'a pas d'amour dans tout ça ! »
Elle ne comprend pas
Elle n'a jamais compris
Nous ne sommes pas du même monde
Et pourtant c'est ma mère.
Froide, raide, elle lâche :
« Je me dis que c'est sa vie, c'est comme ça ! »
Hé ben voyons !
Elle parle-là de sa petite sœur
Touchée par la maladie d'alzheimer
Placée contre son gré par ses enfants et son mari
Alors que son état ne nécessite pas une telle décision.
« Mais de quoi parles-tu ! C'est sa vie ?
Sa vie d'être enfermée jusqu'au dernier souffle
Sans intimité, sans souvenir ? De quoi parles-tu ?
Comme ces gens qui justifient la misère sociale que c'est comme ça !
Ou encore ce dieu qui impose à celui-ci de sacrifier son fils !
De quoi parles-tu ? »
Elle bafouille, elle dit que Non et c'est Oui
Alors que je lui parle de responsabilité
« C'est pas sa vie !
Mais celle qu'ils ont décidé pour elle !»
C'est encore venu se dire, se crier, se pleurer
« Il n'y a pas d'amour dans tout ça ! »
Elle ne comprend pas, elle me parle du couple
Que ces deux là ont fait durant tant d'années
Qu'on ne sait pas.
«Non ! On s'en fout !
Je ne te parle pas de cet amour-là !»