Enceinte

 

Je porte en moi, ce petit garçon

Qui ne voulait pas être regardé

Se cachant le visage entre les mains

Recroquevillé, desséché.

Je porte en moi, celle qui l'a pris

Dans ses bras, dénouant, ouvrant

Ce poing serré, chuchotant à l'oreille

Le souffle vivant.

Je porte en moi, cette grande colère

Pour tout ce qui se gaspille

Se refuse, en tellement de mépris.

 

Ici

 

 

Maya Kokocinski Molero 

Tu sais...

Cette chose infiniment importante
Qui ne règle rien de la dureté de la vie dans ces conditions
Où règne le désordre, la confusion, le mensonge
Soit qu’il faudra du temps
Soit qu’il est déjà trop tard
Soit que tout cela n’est qu’illusion
 
Cette chose infiniment importante
Elle est là, de toi à moi, de moi à toi
Depuis toujours
Dans le silence
Dans le murmure des mots
Et encore quand ils se tirent la langue.
 
Je marche dans ce trou de montagne
Et combien est grande l’évidence
Que ce n’est, ni toi, ni moi, pas même la montagne
Elle est là, silencieuse et vibrante
Dans les structures de la roche
Bat au cœur du petit oiseau
S’ouvre au ciel immense
Elle est.
 
Et c’est tellement de joie
Comme ça, sans raison
Sans lendemain
Sans promesse
Que tout est déjà là.

 

Et pourtant !

Immobile en son centre et son centre est en tout

Immobile qui n'est pas un état, qui n'a pas d'opposé

Ce n'est pas inertie, infiniment vivant

Ce n'est pas une projection, ni une expérience

Aucun mot ne peut dire cela, aucun son

Ni esprit, ni corps, ne peut appréhender cela

Et pourtant c'est là.

Melitta Brunner, by Alfred Eisenstaedt