Nous
étions dans la cour de récréation, école maternelle d'une petite
ville de province, comme on dit.
Éducatrice
à la Maison de l’Enfance, j’allais chercher les plus jeunes.
Cette année là, ils étaient au moins cinq et les premiers sortis
devaient attendre les retardataires. Parfois tout se passait dans le
calme et c’était doux d’être là avec eux et puis…
Oui,
cette fois là, l’un des garçons cherchait la bagarre,
il invectivait ses camarades, donnait des coups de pieds.
J’intervins
: « Cela serait tellement plus simple, si tu étais gentil… »
Son
regard noir me traversa : « Je ne veux pas être gentil, je
veux être méchant ! ». Il pleurait, tout son petit corps tremblait,
plus que de la colère, de la désespérance. C’était si fort et
tellement inattendu ce qui l’animait là...
J’y
entends tant de choses impossibles à mettre en mots, l’appel de
cette énergie en nous qui trouve si difficilement son chemin pour
toutes les bonnes paroles, à coups de : « II faut que… »
"L’enfer est pavé de bonnes intentions".
Cet
enfant, avec ses mots à lui, ceux qui fusent sans détour, pointait
le discours appris et répété pour conditionner à ne pas écouter
en soi. Ce discours moraliste est d’une violence absolue, et ce
petit garçon me servit un « Non » si puissant qu'il
résonne encore aujourd’hui.
La parole se meurt et tue, là, où elle ne brûle pas ce qui est du conditionnement au mensonge en nous, trahison contre notre propre unité qui nous fait relié au monde.
Petros Kotzabasis.