Je la vois dans le fauteuil du papy, derrière la fenêtre
Sa voix me renseigne à chaque fois
Ce qu'elle était entrain de faire
Où elle est dans la maison, son humeur
Elle est un peu endormie...
Oui, me dit-elle, et elle me raconte la matinée
Les commissions, la chaleur, elle est rentrée tard
Elle a mangé et la voilà à se détendre
Oui, je sais tout ça.
Des milliers de kilomètres, les montagnes, les déserts
Les océans, et nous parler comme si...
Non pas comme si, je suis assise à côté d'elle, elle raconte...
Depuis que papa est mort, depuis son opération
Elle s'est bien remise, elle a repris à jardiner, un peu
Aller voir les copines, un peu
Justement les copines...
Et la voilà partie dans cette récapitulation
Sa vie de femme, de mère, d'enfant
Là c'est la petite fille qu'elle me montre et son amie Gisèle
« Nous
étions comme un couple, moi j'étais le mari, Gisèle ma femme.
Depuis la communale, nous étions ensemble, et puis, alors que nous
avions 12-13 ans, nous avons adopté une petite fille du CP. »
Un silence, elle reprend : « Tiens, elle s'appelait Michelle.
Pendant les vacances...»
Michel
le grand-père qu'elle aimait tant, mort d'une piqûre de
guêpe, pof arrêt du cœur !
Michel,
son premier amour, l'unique, l'impossible, celui qui ne voulait pas
s'engager, qui l'avait quittée, qu'elle avait tant souffert. Que
bien plus tard, beaucoup plus tard, mariée et déjà les quatre
enfants, alors qu'elle avait appris son décès brutal, il était
revenu hanté ses nuits...
Et
voici cette petite Michelle... elle s'est cachée
derrière une borne, on ne la voit pas, et la carriole tirée
par le cheval qui l'écrase contre le mur...
Merde, alors ! Ça fait beaucoup !
C'est bien le prénom qu'elle a choisi de me donner.
« Au cimetière quand on l'a enterrée notre petite Michelle, nous étions, Gisèle et moi, vraiment comme mère et père qui viennent de perdre leur enfant, leur unique enfant. Ses parents ont touché de l'argent à cause de l'accident, avec cet argent ils ont fait construire une maison, nous étions Gisèle et moi, très en colère."
Ben, merde alors ! Tu parles d'un cadeau !