dimanche 2 août 2015

Présence et résonance (2)

C’est au soleil qu’elle confia son épaule douloureuse, la douce chaleur au dessus du triangle pelvien persistait, cela rayonnait. Allongée dans la cour carrée de sa maison, le bras tendu vers le ciel, elle le laissait descendre. Au début il restait là pointant l'azur, puis peu à peu il retrouvait le sens de l'apesanteur. Elle ne mesurait pas les progrès, les yeux fermés elle était ce bras, son axe bloqué, la douleur apaisée, quelle surprise lorsqu'elle sentit un jour le sol carrelé, le bras touchant l'oreille.
L'homme ? Elle le voyait partout, elle le voulait, l'attendait, l'appelait de tout son être. Cette fièvre prit fin lorsqu'elle se souvint qu'elle lui avait donné au moment du remplissage de la fiche un faux numéro de téléphone. Incroyable se disait-elle, incroyable d'avoir commis cette erreur, incroyable de s'entendre énumérer les chiffres, d'avoir zapper tout ça comme si ce n'était pas elle, cela la rendit furieuse. Elle téléphona au kiné il fallait vérifier, en même temps elle connaissait la réponse, le numéro inscrit sur la fiche était un faux. Le trouble changeait d'objet, ce n'était plus cet homme qui en était la cause mais elle-même, non qu'elle doutait de sa sincérité mais elle se découvrait un monde qu'elle ignorait.
« Vous pourriez faire ce que je fais » il avait dit cela, mais qu'avait-il fait ? Et que pourrait-elle bien faire ? Elle lut des livres traitant du magnétisme et d'autres sujets annexes plus ou moins sulfureux, sans qu'aucune réponse ne lui fut apportée. Elle s'inscrit à un cours de yoga. Elle se rendit déjà dans un lieu où elle fut reçue par une jeune femme qui lui parla longuement et qui voulait savoir pourquoi elle venait. Mais elle ne pouvait pas, ne voulait pas en parler. Dans cet endroit une insistance, une histoire de maître que l'on rencontrait à la demande, elle n'aima pas. Ce qui l'a décida pour cet autre cours ce fut la simplicité de l'accueil, pas de question, pas de bla-bla. Une femme, la cinquantaine, les cheveux gris tirés et retenus en un chignon plat, elle partageait la pratique du yoga dans son appartement, une grande salle vide, dans un coin des couvertures, des coussins, et sur le mur faisant face une draperie dissimulait quelque chose. « Je suis bouddhiste, c'est mon autel, je le recouvre de ce drap pour que cela ne cause pas de gêne, je ne fais pas de prosélytisme, c'est une affaire personnelle » Claudia, née au Pérou, elle n'en parlait jamais, venue à 20 ans en France dans ce coin de Champagne, elle avait eu un mari, des amants peut-être, elle n'en parlait jamais. Elle avait une fille et une petite fille.
Assise en lotus face à ses élèves elle encourageait à écouter son propre corps, dirigeait le geste sans le forcer, redressait parfois la posture à chaque fois cela apportait un soulagement. Des fidèles, des habitués de son cours, deux anciens : un homme, une femme, et lorsque Claudia leur demanda d'accomplir la salutation au soleil, un silence d'une qualité rare. Une danse que chacun faisait pour soi et pourtant ils l'accomplissaient ensemble, dans la pièce qui n'était plus qu'espace une onde à deux bras se mouvait, cela se rencontrait.

Elle revenait tellement neuve de ce cours de yoga où aucun bavardage ne venait perturber.


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