Ça
grimpe, les énergies qui travaillent aux formes profondes des
contreforts du Massif Central agissent, elle va d'un pied léger.
Dans la côte qui mène à Crozant, des cyclistes la doublent
lentement, ils moulinent : « Comme moi, sans effort ! »
Ils se sont arrêtés près de l’église pour pique niquer. Des
hollandais, ils vont à Compostelle. Elle est émue de rencontrer ces
premiers pèlerins, eux sont surpris : « A pieds ? Toute seule ? ».
C'est une question, une remarque qui revient souvent sur son passage,
comme si elle m’était inconsidérément sa vie en danger.
Personne pour percevoir ce qui l'a mise en route qu'elle ne peut
expliquer. Le danger est bien présent parfois, en elle surtout, elle
apprend l'attention. Être ici et là-bas, Cela agit. Ainsi elle
marche sur ce chemin qui la précède.
Les
églises, elle veut toujours entrer dans les églises, mais la
plupart sont fermées. Pourquoi ?
—
A cause du vandalisme
—
Hommes de peu de foi !
Maison de dieu, avez-vous dit, et vous avez peur des voleurs !
Vous vous racontez des histoires auxquelles vous ne croyez même pas
! Vous avez le christ à la messe et vos vies en-dehors. Il n’y a
que des enfants, des innocents, pour vivre au cœur de Jésus. Ceux
là ne grandiront jamais tout à fait comme les autres.
Enfin,
ici, les clefs sont à l’épicerie et l'épicière lui remet une
notice de renseignements pratiques sur le chemin de Compostelle dans
le Limousin.
En
quittant la ville elle s’est trompée, elle a monté la côte là
où il fallait la descendre. Rien ne peut entamer l’allégresse de
cette journée en tant de beautés. Elle décide de demander un coin
pour planter la tente à La Chapelle-Baloue. Pour ce genre de
démarche il ne faut pas réfléchir, oser dés l’entrée du
village. Une femme est dans la cour, un panier à la main, elle
semble hésiter : « Un coin pour planter la tente ? Ça peut se
trouver… Et un bon lit, avec des vrais draps ? »
Pendant
que Dominique prépare le repas, Michel lui fait visiter la chapelle
du château. Ils ont été aussi au calvaire près du cimetière, il
y a en cet endroit une croix biface et un autel en granit. Il est
heureux de lui montrer ces vestiges, il a fait de longues recherches,
passionné d’histoire, de généalogie, d’art, de vieilles
pierres… Elle traîne sa fatigue mais l’écoute attentive. Les
traces du passé elle s’y intéresse, elle les frôle, les
renifle, elle s’imagine pouvoir y trouver une réponse, convaincue
que ces dresseurs de pierre, ces tailleurs, ces bâtisseurs avaient
percé quelques secrets qu’ils auraient enfouis dans la roche. Les
pierres gardent tous les secrets. Parfois, une émotion, une
vibration, et c’est tout à coup vivant en elle. La cathédrale de
Chartres où elle est née, il a du s’éveiller quelque chose à
l’atmosphère sombre, humide, le silence de ce gros ventre et ces
flèches à l’assaut du ciel. Dans les contre-bas la vieille ville,
la rue des Écuyers. C'est là que les parents habitaient dans un
immeuble pas encore rénové, maison à colombages, de murs
croulants, de courants d'air en cet hiver de l'année 54. A 10 mois
elle marchait, à deux ans elle est partie seule, elle a descendu la
rue des Écuyers, d'autres rues jusqu'à la porte Morard, la mère
l'avait envoyée chez la voisine qu'on appelait mémère, la petite
avait compris qu'on lui disait d'aller chez une de ses grands-mères.
Elle a été retrouvée plus loin encore, à l'endroit où il
fallait faire un choix de direction pour aller chez l'une ou chez
l'autre.
Jusque tard dans la nuit de discussion en discussion, Dominique veut l’accompagner en voiture jusqu’à Bénévent L’Abbaye. Elle prétend que La Souterraine n’est pas une ville sûre, qu’il faut l’éviter. Comme la mère elle décide, la pérégrina refuse, comme la mère elle insiste : « Le chemin c'est aussi se laisser prendre en charge ! ». Un dernier effort vain pour expliquer qu'elle remercie pour tout ce qui lui a été offert de bon cœur mais que demain elle doit reprendre son bâton. Michel reste silencieux. La pérégrina est lasse, elle ne confiera pas que La Souterraine elle en a rêvé en consultant un guide avant de partir. Il y avait une photo de l’église. « Quand j’en serai là… ». Elle n’y croyait pas, pouvoir faire ce long chemin. Elle y est, rien ne lui fera manquer ce rendez vous avec ses doutes réduits à néant.
Elle
a dormi dans la chambre de ses hôtes, il n’était pas question de
refuser.
Comme j'apprécie suivre ce cheminement !
RépondreSupprimerMerci.
Merci Mony...
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