dimanche 16 août 2015

Présence et résonance (33)

Sauveterre de Béarn, la pluie a cessé, l'air est frais. Une rue étroite, déserte, les maisons en enfilade, les pas résonnent. Par une fenêtre ouverte une musique prend son envol, l'onde rebondit de mur en mur, voyage...
Elle pousse la porte d'un café, la salle est grande, pleine de gens de tout âge, ils sont tous là dans un brouhaha coloré. Dans un coin elle s'assoit, personne ne semble remarquer son entrée pourtant elle est vite servie. Le plus haut niveau de l'accueil, celui qui ne dérange rien. Elle a bu son café, elle traverse la salle dans le même silence des conversations animées et joyeuses, un vieil homme se lève, vient à sa rencontre, il lui prend la main, la garde longtemps, lui demande s'il peut l'embrasser... Elle s'affole, un peu, comme un petit oiseau, alors il lui sourit : « Ce sera pour une autre fois. » Autour rien ne bouge.

Il pleut à nouveau. Elle cherche la chambre réservée aux pèlerins, la nuit à 100Frs, à ce prix-là elle cherche un hôtel modeste. Et voilà, l’hostellerie du château, un immeuble classé, entre vieilles pierres et lierres.
Il y a l’arrivée sous la pluie battante, l’hésitation devant la porte, et… Elle a compris tout de suite, silencieuse elle conduit la pérégrina jusqu’à la chambre. Un hall si vaste, des guéridons, des marbres, un escalier majestueux... Toute dégoulinante elle voudrait se déchausser, ne pas salir le tapis fleuri, mais la femme file devant sans laisser le temps. La chambre sent bon la cire et le parquet craque sous chaque pas. Deux grands lits près d’une belle armoire, et les volets restent clos, dit la dame. C’est bien, tout est bien.
Elle demande si elle souhaite dîner. Oui, tout est oui. Dehors la pluie, dehors le froid, dedans tout est paisible, hors du temps.

La serveuse l’installe face au bar, la table est bancale, dans un vase du jasmin. Des clients se dirigent vers une salle qui doit être celle du restaurant. Derrière la fenêtre, une terrasse battue de bourrasques. Le parfum envoûtant du jasmin, la saveur des mets, la robe du vin, les va et vient de chacun, les arbres qui s’égouttent, la nuit tombant… elle est de toutes ces trajectoires. Survient une éclaircie, la terrasse étincelle un instant, la lumière pénètre la maison.
Dans ce décor suranné, au bout de ce jour si particulier, se réalise ce qui était promis.


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