dimanche 9 août 2015

Présence et résonance (17)

Au petit matin la cape laissée dehors, suspendue à une branche du tilleul, était coupée net, un danger aura passé tout près.
« Il vaut mieux manger son pain noir avant son pain blanc. C’est ce que tu répétais si souvent ma tante. L’enfant aimait ces mots, promesse puisque le pain noir nous le mangions et puis tu les disais avec tellement d’entrain. Trahison, ma tante, mensonge ! Sous cette prétendue sagesse, le poison. Comme si quelque chose pouvait être définitivement acquis ! Il n’en est rien, pain noir et pain blanc se succèdent dans cette condition d’impermanence.  Ainsi il en va de marcher, s’arrêter pour se reposer et encore marcher. Inutile de se lamenter devant la route droite à n’en plus finir, se laisser pénétrer par ce rythme lent, ne pas se séparer. »
Et puis… la dame du bistrot n’a pas voulu qu'elle paye le café, comme ça… « Comme si ce n’était pas elle et que ce n’était pas moi », comme si quelque chose de définitivement beau pouvait exister.

Chateaumailland, l’église est belle, son silence résonne aux battements du cœur, une vague prend, emporte et redépose, les yeux plein de lumière.
Au presbytère, elle est accueillie par un père d’une communauté dont elle ne retient pas le nom. Il lui offre de la compote de rhubarbe tellement rafraîchissante. Il lui parle d’une voix douce et chaleureuse, les mots descendent sans que le mental puisse les saisir, tout son être à l’écoute. Dans une si grande intimité cet homme la pénètre en quelques secrets. Il propose le gîte et le couvert, elle ne veut pas, pas encore, il lui faut poursuivre son chemin.
La ville, elle l'a traversée sans même s’en rendre compte, et la voici dans les faubourgs sans eau, sans pain, sans soupe. Elle a continué comme ça, jusqu’à 19 h. Arrêt entre Chaume de Bois et Montlévicq. Dans cette campagne largement ouverte de champs et de prés, s’en est allée vers un petit bois qui pourrait offrir un abri. Dès qu'elle franchit la lisière une atmosphère lugubre, ce n’est que désolation en cet endroit sombre, comme si des bêtes féroces avaient dévasté. Elle s’éloigne et monte la toile sur le chemin, espérant qu’aucun engin n’aura à passer par là.

Le paysage s’étend en lignes courbes, au loin une ferme isolée. Dans la prairie, de jeunes bœufs sont venus se frotter le cuir aux troncs déracinés, ils ont disparu à la tombée de la nuit. Elle est seule maintenant. 
 

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