Présence et résonance (24)

Mille flammes ondoient la prairie, transparence, lumière en la goutte de rosée qui coiffe ce brin d’herbe. Le chant des oiseaux fait la voûte céleste. Qu’il fait bon sous cette cloche… Il y en a un, là-bas, qui parle d’un autre ventre chaud. Il est des profondeurs du bois, invitation à s’enfoncer encore. Écoute... ne crains rien, tout ce qui se fait est juste. Sois ton propre témoin sans juger de rien.

Dans sa poche elle a une liste d’endroits où le pèlerin peut être accueilli, comme le docteur C. l’a conseillé elle a évité St Goussaud. « Il a plu ces derniers jours, ce coin pentu et isolé est dangereux pour celui qui marche seul. » C'est l’idée de la pente raide qui l’a décidée, le danger est son allié, c'est lui qui fait la vigilance, la vigilance ouvre la porte de l'attention, l'attention fait le funambule.

Dans le café du village Chatelus Le Marchaix, un homme chancelant, le mot pâteux, clame son admiration : « Une femme seule, avec un si gros sac sur le dos ! »

A St Pierre Cherignat un plateau entre ciel et terre. Une femme parle avec une jeune fille qui lui sourit. Un signe de la main à ces deux-là, si belles. Un peu plus loin, le voilà celui qu’il lui fallait rencontrer, mal aimable, mal rasé. Il lui refuse l’accès à un verger en face de sa maison, lui dit qu’à Saint Martin-Sainte Catherine, il y a une plage au bord de l’eau, où elle sera bien, bien mieux qu’ici.

Traversée de ce repère de saints, maisons en ruine, gueulards en crocs menaçants, la rivière est dans la vallée à un bon kilomètre après les dernières habitations. La rivière, oui, mais pas de plage ! Dans un bois en contre-bas de la route près du cours d’eau, terrain pentu, sol de bosses, elle monte la tente.

Dans la nuit des voitures se sont arrêtées, dérapages, longtemps elles ont tourné. Quelqu’un la cherchait-il sur une plage qu'elle n’a pas trouvée ? Elle dort de ce sommeil si particulier, repos et attention, absence et présence, ce n'est pas que quelque chose se sépare, tout au contraire.