Juste
un œil ouvert, sa voisine est déjà debout. Elle vaque à ses
occupations, discute avec le jeune allemand. Les regards se croisent
: « Bonjour, ça va ? » l’accent est prononcé, le ton empreint
de sollicitude.
Dans
la nuit il y a eu du bruit, une femme et des hommes parlant à
hautes voix, quelqu’un a réclamé le silence. Tout cela lui est
parvenu assourdi dans les brumes du sommeil, la pérégrina a bien
dormi.
Un
pèlerin vêtu de la parfaite tenue du randonneur, il astique ses
chaussures neuves. Il s’applique, cela semble inutile ce cirage à
reluire alors que les chemins sont si boueux, on dirait un petit
garçon, tout beau, tout propre, pour le premier jour de classe.
S’il
ne pleut plus, il fait gris et froid. Les sentiers sont défoncés de
boues glissantes et profondes. Ils l’ont tous dépassée, marchant
si vite.
Elle
n'aime pas ce chemin balisé, suivre bêtement les flèches, et puis
ces portions où le chemin est clos de barbelés, on se croirait dans
un camp de concentration !
Elle
se demande si elle va s’arrêter à Zubiri ou aller jusqu’à
Larrasoana ?
Arrivé à Zubiri le malaise grandit. Une modernité délabrée, une rue bordée d’HLM, aucune indication pour trouver le refuge, pas de pèlerin en vue, quelques passants auxquels elle n’ose pas s’adresser.
Elle
reconnaît cet état, toutes ses étapes, ses effets, ses
conséquences. Mais il est trop tard pour l’arrêter. Elle reprend
le chemin, les marques jaunes.
Comme
la foudre sur l’arbre isolé. Elle est tombée à genou, terrassée
par une force qui vient du dedans comme du dehors. Cela la vide et la
remplit à la fois, intense chaleur, explosion : « Je vous
aime ! ».
La
voici qui entre dans Larrasoana. A deux garçons elle demande :
« El refugio, por favor ? ». Ils rient, lui donne la
bonne formule. Appliquée, elle répète, ils rient de plus belle. Ils
la prennent par la main, et la conduisent jusqu’à la porte du
refuge. Ils sont tous là, Rotraud qui lui a souhaité le bon jour ce
matin, Markus le jeune allemand si mince et si grand, Stéphanie et
Jean Lou le couple de français, André l’homme à la tenue
parfaite, Monica la fille qui parle fort la nuit, et tous les autres
quittés ce matin.
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