lundi 17 août 2015

Présence et résonance (36)


Juste un œil ouvert, sa voisine est déjà debout. Elle vaque à ses occupations, discute avec le jeune allemand. Les regards se croisent : « Bonjour, ça va ? » l’accent est prononcé, le ton empreint de sollicitude.
Dans la nuit il y a eu du bruit, une femme et des hommes parlant à hautes voix, quelqu’un a réclamé le silence. Tout cela lui est parvenu assourdi dans les brumes du sommeil, la pérégrina a bien dormi.
Un pèlerin vêtu de la parfaite tenue du randonneur, il astique ses chaussures neuves. Il s’applique, cela semble inutile ce cirage à reluire alors que les chemins sont si boueux, on dirait un petit garçon, tout beau, tout propre, pour le premier jour de classe.

S’il ne pleut plus, il fait gris et froid. Les sentiers sont défoncés de boues glissantes et profondes. Ils l’ont tous dépassée, marchant si vite.
Elle n'aime pas ce chemin balisé, suivre bêtement les flèches, et puis ces portions où le chemin est clos de barbelés, on se croirait dans un camp de concentration !
Elle se demande si elle va s’arrêter à Zubiri ou aller jusqu’à Larrasoana ?

Arrivé à Zubiri le malaise grandit. Une modernité délabrée, une rue bordée d’HLM, aucune indication pour trouver le refuge, pas de pèlerin en vue, quelques passants auxquels elle n’ose pas s’adresser.
Elle reconnaît cet état, toutes ses étapes, ses effets, ses conséquences. Mais il est trop tard pour l’arrêter. Elle reprend le chemin, les marques jaunes.
Comme la foudre sur l’arbre isolé. Elle est tombée à genou, terrassée par une force qui vient du dedans comme du dehors. Cela la vide et la remplit à la fois, intense chaleur, explosion : « Je vous aime ! ».

La voici qui entre dans Larrasoana. A deux garçons elle demande : « El refugio, por favor ? ». Ils rient, lui donne la bonne formule. Appliquée, elle répète, ils rient de plus belle. Ils la prennent par la main, et la conduisent jusqu’à la porte du refuge. Ils sont tous là, Rotraud qui lui a souhaité le bon jour ce matin, Markus le jeune allemand si mince et si grand, Stéphanie et Jean Lou le couple de français, André l’homme à la tenue parfaite, Monica la fille qui parle fort la nuit, et tous les autres quittés ce matin.

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