Monsanto,
industrie de la guerre, toutes les guerres, des suicides de paysans
pour un sac de coton, le combat des femmes.
« La Guerre des Graines » : enquête sur une bataille souterraine et silencieuse
En
100 ans, sous les effets de l’industrialisation de l’agriculture,
les trois-quarts de la biodiversité cultivée ont disparu. Alors que
se renforce la main-mise sur les semences par une poignée de
multinationales, un vaste arsenal réglementaire limite le droit des
paysans à échanger et reproduire les semences. Le documentaire « La
Guerre des Graines », qui sera diffusé le 27 mai sur France 5,
décrypte les batailles autour de la privatisation du vivant, avec
l’appui de témoignages de paysans, d’élus, de militants,
d’experts et d’industriels. Un film percutant et engagé,
vivement recommandé par la rédaction de Basta !.
« L’histoire
que nous allons vous raconter est celle d’une guerre inconnue mais
qui nous menace tous, la guerre des graines. » C’est
par ces mots saisissants que débute le nouveau film de Stenka
Quillet et Clément Montfort, produit par John Paul Lepers, qui sera
diffusé sur France 5 le 27 mai prochain. Depuis 12 000 ans, les
paysans sèment, sélectionnent et échangent librement leurs
semences. Mais cette pratique ancestrale au fondement de
l’agriculture est en péril. Dix multinationales contrôlent
aujourd’hui 75 % du marché mondial de semences [1].
Leurs noms ? Monsanto (États-Unis, 26 % du marché
mondial), DuPont (États-Unis, 18 %), Syngenta (Suisse, 9 %),
Limagrain (France, 5 %), suivis d’une poignée d’autres
firmes allemandes, états-uniennes ou japonaises. « Que
se passera-t-il si l’industrie semencière réussit à privatiser
intégralement les semences agricoles ? » interrogent
les deux co-réalisateurs.
Refuser l’esclavage semencier
L’enquête
de Stenka Quillet et Clément Montfort les a menés en Inde, en
France et en Norvège auprès de paysans qui, pour rester libres,
cherchent une alternative aux graines de l’industrie. Mais aussi
dans les couloirs du Parlement à Bruxelles où se jouent
régulièrement des épisodes déterminants de la guerre des graines.
Grand témoin de ce film, la scientifique et militante écologiste
indienne Vandana
Shiva : « la
guerre des graines est dans chacune des fermes. Des fermes dans des
pays comme ici, en Inde, où des paysans risquent de perdre leur
approvisionnement en graines. Mais aussi les fermes plus grandes et
conventionnelles qui n’auront plus d’autres choix que d’acheter
des OGM, des herbicides, du Roundup, et seront coincés dans un
esclavage semencier. »
Tous
les géants de la semence ont décliné les demandes d’entretiens
pour ce film, à l’exception d’un seul, Monsanto. La firme
américaine, qui n’a semble t-il plus rien à perdre tant son image
a été écornée ces dernières années par différents scandales, a
ouvert les portes en France de sa plus grosse usine de semences pour
l’Europe. La stratégie de Monsanto se dévoile en partie lors d’un
entretien avec l’un des responsables de cette usine située à
Peyrehorade en Aquitaine. Consciente des difficultés à développer
les plantes génétiquement modifiées en Europe sous la pression
citoyenne, la firme mise désormais sur la multiplication des droits
de propriété sur les semences. Avant de quitter le site de
Monsanto, la caméra s’attarde sur des semences de couleur rouge.
Enrobées d’insecticides ou de fongicides provenant d’autres
compagnies comme Bayer ou Syngenta, ces semences rappellent que
Monsanto collabore étroitement avec plusieurs géants de
l’agrochimie.
La
fin de cette enquête conduit à Svalbard, un archipel de la Norvège
situé au large du Groenland. C’est là, dans un chambre forte
creusée dans la glace, qu’ont été entreposées des graines du
monde entier. L’idée, conserver un double de la biodiversité
végétale de la planète. Mais la présence d’entreprises privées,
comme Syngenta, dans le financement de la gestion quotidienne de ce
coffre-fort inquiète. Surtout, rappellent les organisations
paysannes, la seule vraie conservation se fait dans les champs des
paysans et des jardiniers. Ce qui suppose d’avoir accès et de
pouvoir maintenir vivante cette biodiversité. « La
guerre des graines est dans chaque assiette, résume Vandana
Shiva. Tant que la liberté des graines sera confisquée,
alors notre nourriture le sera aussi. C’est pour cette raison que
tout le monde doit être engagé pour réclamer la libération des
graines. »