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vendredi 24 juin 2022

Ce monde que nous faisons

 
Ces gens-là…
 
Comme ils traitent la nature, comme ils sont à l’intérieur.
La relation de l’homme à l’animal, est un livre ouvert, où tout se montre à voir.
 
Obliger de passer par la route, les chemins sont inondés par les radiers. Les chiens sont excités par ce changement d’habitude.
Près de la rivière, un cri plaintif…
Un peu plus loin, au bout d’un terrain en friche, une maison. Un chiot, semble en équilibre, de l’autre côté d’une clôture rudimentaire.
Il appelle.
 
Prévenir ces gens, n’entendent t’ils pas ?
Faire le tour, personne.
 
Retourner … Le petit a chuté, je ne vois pas exactement ce qui se passe, mais il est en danger.
Attacher les compagnons…
Il est entrain de s’étrangler, au bout d’un fil à linge…
Il y a là tout près, une chienne attachée à une chaîne, sur le terrain vague qui me regarde approcher. Un husky, « œil bleu-œil marron ». D’autres chiots dans la courette qui jouxte la maison.
 
Hésitation un court instant, avec des points d’interrogation sur la réaction de la mère, et déjà j’ai le chiot dans mes bras.
La corde lui serre tellement le cou, impossible de la faire passer par-dessus la tête, et ils ont fait tant de nœuds !
D’une main, c’est difficile…
Derrière la clôture, deux autres, l’un deux est également empêtré, coincé, gémissant.
 
J’appelle, que l’on vienne m’aider… j’appelle fort… 
Dans ce village ils sont tous sourds dès qu’il se passe quelque chose.
Celui que j’interpelle, qui passe là-bas sur la route, poursuit son chemin.




vendredi 25 février 2022

suite et fin... La morgue

 

Les mots, elle en prononce tant qui vont dans toutes les directions, le fil, les chiens, la mort, le fil qui mène tout droit à son sentiment de culpabilité. 
L'anglaise, la zoreille aux trois chiens noirs....
Zoreille, oreille, écoute...

Elle dit encore :
Je voudrais aller près de sa maison, et lui dire ! Mais je ne peux pas, il y a les voisins.
Vous n'avez pas besoin d'aller là-bas pour lui parler.

Elle me regarde, nous nous disons : «  Au-revoir ».



A la morgue

 

Depuis plusieurs jours, il pleut... hier pluie et vent violents, un petit air de cyclone sans l’œil. Le jeûne commande, il faut marcher, il faut sortir de la maison. Il pleut à torrent ! Une accalmie, ce n'est toujours qu'une trouée, en profiter, partir vers la cascade.
Petites averses, la marche se prolonge au-delà de la rivière qui ne coule pas autant qu'on aurait pu le penser, peut-être sera-t-il possible de passer par le chemin des mésanges. Y'a pas de mésange à La Réunion, nostalgie des petits blancs installés dans les hauts.
Coup d’œil à l'entrée du sentier, si les herbes sont hautes je n'irai pas me faire tremper la culotte. Ah, fraîchement coupées, les services municipaux sont passés par là ! 

Je la vois, je reste sans bouger, la regardant avancer : toute pimpante, chaussures à petits talons, parapluie transparent. « Bonjour ! Le chemin est-il praticable ? ». Elle vient de passer à ma hauteur, me répond que oui, il y a un peu d'eau, mais je pourrais sauter sur les pierres pour ne pas mouiller mes baskets.
« Merci ! » J'avance, quand je l'entends derrière : « En ballade ? Sans les chiens ? ». C'est à peine si je me retourne pour lui dire que les chiens sont morts.
Elle veut en savoir plus, comment cela se fait, pourquoi...
Nous faisons ces quelques pas qui nous séparaient, nous les faisons l'une vers l'autre.

La mort, les chiens, c'est le fil, les chiens, elle me parle de ceux de son amie l'anglaise. Oui je la connais, mon fils a été son voisin, il a habité là-haut. Les chiens de son amie l'anglaise, elle ne s'est pas ce qu'ils sont devenus, ils ont disparu. Elle tire le fil, les chiens, la mort.
Son amie l'anglaise, elle est morte.
« Elle est morte ? Quand ça ? »
Il y a quelques mois, elle est morte et son mari aussi. D'abord lui, d'une crise cardiaque. Elle l'a appelée, au téléphone elle disait : « Philippe est mooort ». Elle ne comprenait pas « moooort », avec son accent anglais ! Il était là, tout étendu.
Et puis un autre jour, Agnès, son amie l'anglaise, l'a appelée à nouveau, elle voulait la voir, son cancer avait repris, elle se sentait seule, son mari lui manquait, pas d'ami ici, qu'elle. « Je lui ai dit, peut-être seras-tu fâchée, mais je te le dis le cancer, moi je ne peux plus ! ». Et voilà, elle n'a pas été voir Agnès.
Quelques semaines plus tard, elle a fait une rupture d'anévrisme, à l’hôpital les médecins ont répondu à ses enfants qui habitent en métropole : « Vous pouvez venir, de toute façon elle sera morte ». Bon, ça c'est qu'elle dit, peut-être que le médecin n'a pas dit tout à fait en ces termes.
Et puis... elle n'est pas morte !

Elle était encore à l’hôpital que son fils, lui dit : 
Ta copine, elle est là.
Ma copine ?
Oui, l'anglaise.
Ah mais ce n'est pas une copine, une amie !
Elle est là.
Où ça ?
A la morgue.





dimanche 20 février 2022

La cathédrale


Elle aimait à marcher dans la ville, prendre le dernier train pour rentrer.

Elle quittait le lycée à pieds, ayant dépensé dans les cafés l’argent qui lui avait été donné pour payer le bus.

Après le parc, elle remontait en direction de la cathédrale, passait près de la prison, ce grand mur de pierres hérissé de tessons de bouteilles.

Puis elle redescendait dans les vieux quartiers…

 

C’est là qu’elle se perdait dans les ruelles, dans la nuit souvent brumeuse. Seule, croisant quelques inconnus, elle aimait cette ambiance, en toute confiance.

Des images accompagnaient ces longues traversées solitaires, des images qu’elles gardaient en esprit,  plus tard, elle écrirait sur son cahier, comme le peintre en quelques traits dessine une chambre perdue au fond d’une impasse.

Puis, il fallait s’extraire de cette obscurité trouée de la pâle clarté des réverbères. Ne pas manquer le dernier train.

 

Lorsqu’elle atteignait la gare trop de lumière projetée sur la façade blanche, elle clignait des yeux. Ça faisait mal, comme le retour vers cette pseudo réalité, le train qui avalerait les kilomètres, le vélo qu’il faudrait pousser dans la côte, et la maison.

Ils seraient tous à table, on la questionnerait, elle se taisant les poings serrés sous la table…



vendredi 18 février 2022

La rémission des péchés


« Mon père, pardonnez-moi parce que j’ai beaucoup péché. »

De l’autre côté de l’isoloir, elle savait l’homme jeune et beau qui écoutait. Il y avait peu qu’il était arrivé celui-là, et le dimanche à la messe les belles venaient rien que pour le voir, elle les avait remarquées.

Comme d’hab elle s’accusa de ce qui, à la maison, faisait des drames depuis la plus tendre enfance, en ces mots familiers : elle avait « piquer de la nourriture ». Même qu’elle se souvenait de cette chose incroyable, de la mère quittant un moment la maison pour une course, et qui ce jour là, avait…

Oui, elle avait montré à l’enfant la tapette à souris, comment cela se déclenchait, que les doigts si menus seraient coincés dedans ce piège, si la voleuse venait à lever le couvercle de la boîte à pain pour commettre quelques larcins de cette pâte dorée et croustillante. La tapette à souris fut placée là.

Incrédule et silencieuse l’enfant avait suivi du regard la démonstration de la mère, se disant : « Ce n’est pas possible, elle ne peut pas vouloir cela… »

Malgré ça, elle n’avait jamais cessé de flirter avec le mal, et régulièrement se laissait aller à quelques péchés de gourmandises. Soulever le couvercle du pot de crème fraîche et caresser du doigt, ou encore quelques pincées de gruyère râpé dans son emballage de papier... Venait toujours ce moment, où le penchant l’emportait, et ainsi mettait en évidence sa forfaiture, et les cris de la mère.

De l’autre côté de l’isoloir, un rire moqueur : « Mais ce n’est pas un péché que de manger quand on a faim ! »

Elle se trouva un peu vexée devant l’évidence de sa naïveté, celle que l’on concède par peur. Mais, en même temps, libérée du jugement de ses aînés.

Elle rentra, et déclara fièrement que l’abbé avait dit que … Elle prit réjouissance à la mine déconfite des parents.

Voilà que leur bon dieu, les rappelait à l’ordre !



vendredi 14 janvier 2022

Après ton départ ...

 

J'ai retrouvé dans la petite cour
Une de tes farces, clins d’œil
Que j'aime !

Sur l'échelle que ton père a fixée
Pour que je puisse cueillir les papayes
Je vois le chien xylophone que je garde
Il était à toi quand tu étais petit
Je ris,

Au-dessus de ma tête un vol de moucherons
Devine, devine ! Devine ce que je découvre sur la tôle ?

Une belle papaye, bien mûre, la dernière
Elle aura chu après ton départ

Merci mon grand
Mon grand, merci !




Photo de Max
L'endormi femelle dans la petite cour
Le mâle se cache


Maxime F.

mardi 14 octobre 2014

Dans le respect de "chacun son chemin"

Il disait que, "oui !",  il avait bien raison de penser que toujours sur cette terre les hommes se battraient, que vider son sac c’était pour mieux le remplir. Il disait, dans l’ignorance de cette loi élémentaire qui fait que nous sommes ce que nous pensons, enfermés dans les structures d’une représentation figée.
Reproche était fait, d’un manque d’écoute, qu’elle allait ce qui était en elle, et rien d’autre. Il se plaignait qu’elle ne plaigne pas…
Il disait encore, dans cette non-écoute de son corps, que si vibration il y avait, il la sentirait, Lui !
Diantre, pourtant en ce moment même, cela vibrait fort, jusqu’à l’intérieur de la boîte crânienne, et ce n’était pas émotion. Les fibres du cœur travaillant en une ouverture, une vague profonde emportait loin de tout ressentiment, en cette musique divine. Et c’est bien ça, "être vivant".
 
Elle s’éloigna un peu, les certitudes ne peuvent être utilement combattues, nous ne faisons alors que les renforcer, il allait sa vérité. Ce temps qui nous fait comme des ados, entêtés parce que dans la nécessité de faire par soi-même, travailler à son autonomie. Si cela se fait si difficilement, jusqu’à un âge avancé, c’est en rapport étroit avec le niveau de nos peurs, mais aussi de notre perméabilité aux dictats sociaux et culturels.
Elle vit clairement  que cette arrogance confuse, qu’elle avait si souvent traitée comme un symptôme à éradiquer, était ce qui ne manquerait pas de venir lui dire, que c’est pas ça ! 
Seule cette confiance qui n'est pas de la raison, confiance en l’autre, en la vie, étincelle si facilement éteinte par notre volonté à régler, seule cette ouverture décidée change radicalement la donne. Dans cette communion, plus de porte à pousser, et les épaules respirent sans encombre, sentir son cœur battre doucement...