Quand
tu es partie, au bout de cette longue nuit
Tout
est là, en moi
Tout
est là, parce que le témoin était là
Il
suffit que je monte sur ce fil invisible
Et
j'y suis...
Tu
étais entrée dans ce qu’on appelle l’agonie
Les
yeux fermés, le souffle tenu serré dans le râle
C’était
la nuit
Derrière
la fenêtre, la silhouette de grands arbres.
Ils
avaient organisé ce temps de ton agonie
Pour
plusieurs jours, plusieurs nuits, un relais
Cette
première nuit, c'était mère et moi
A
ton chevet
Ils
ne savaient pas, ne sauront jamais
Que
c'était encore toi qui décidais
Cette
force était en toi
Et
les leçons tu les donnais d'une façon magistrale
« Regarde
petite ! »
Et
je regardais... et je regarde encore
C'est
cela Voir.
Ta
respiration comme une vieille locomotive
Tchouuu...
tchouuu...
Inconsciente,
c'est ce qu'on dit
Mais
comme tu étais là !
Dans
un coin de la chambre
Mère
et moi, nous avons parlé
Comme
jamais nous ne l'avions fait
Sauf
peut être, quand elle me faisait des confidences
Alors
que je n'étais encore qu'une enfant
Et
qu'un jour, elle a cessé de le faire.
Dehors,
par la fenêtre, de grands arbres
Noirs,
immobiles, silencieux
Puis,
avant l'aube, juste à la pointe du basculement
Un
vent venu, je ne sais d'où, de bien loin sûrement
Les
arbres ont gémi
Et
j'ai dit : « C'est la fin »
Mère
s'est affolée
Nous
nous sommes rapprochées de ton lit
Et
n'avons plus rien dit.
On
dit le dernier souffle
Mais
c’est faux
Il
y a plusieurs derniers souffles
Ils
te crurent partie
Qu’il
fut grand leur effroi
Lorsque
ton corps expira
Le
niveau des énergies subtiles.
Ils
étaient comme des enfants apeurés
S’accrochant
à un "je vous salue Marie"
Comme
le naufragé s’accroche à une planche
Dans
l’immensité d’un océan en furie.
Je
fus la dernière, à te parler
Par-dessus
ce vent de panique
« Va,
petite grand-mère, ne crains rien, va ! »
Merci à tous
Julie
La peur de la mort est
justifiée, il me semble.
Miche
La peur de la mort ?
Alors que la main de l'homme la donne si facilement à autrui,
les animaux, l'ennemi !
Où je vis, encerclée de mangeurs de
viande, cela ne cesse jamais, qui de la poule, qui du cochon, et les
cris de ces bêtes qui ne veulent pas mourir.
Ils aiment ça,
donner la mort, manger la chair morte !
S'ils ont peur, ce n'est
que de leur propre mort, avec l'image qu'ils s'en sont faite, en leur
corps et en leur esprit.
Ariaga
Il n'y a pas de mots
pour dire ce que je ressens à te lire.
Mémoire du silence
"Quand je
rentrais en moi, je n'y retrouverais rien :
Là où tout était
sombre, un grand soleil tournait
Là où tout était mort, une
petite source dansait
Une femme si menue qui prenait tant de
place
: je n'en revenais pas."
C. Bobin
/ Une petite robe de fête