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dimanche 28 novembre 2021

Des cyclones (12)... Victor

 

« Te souviens-tu ? »


Victor se retourne, personne, enfin il y a bien quelque chose qui bruisse doucement dans les verts de la ravine...

- Me souvenir ?

- Oui, de ce chant, d'où il vient, où il va, te souviens-tu ?

Pour sûr qu'il se souvient, Victor depuis cette naissance au sortir du cyclone, tout ce qu'il perçoit est souvenir, tout ce qu'il est, ce qu'il mange, ce qu'il boit, souvenir. Il se souvient encore de la question de l'oncle : « « Que vas-tu faire de tout cet amour, Victor ? » et de l'ombre penchée au-dessus de lui menaçante. Maintenant il sait qu'il est vain de croire que l'on puisse utiliser l'amour en quelques desseins que ce soit. Peut-on faire quelque chose de la douceur paisible du soir, ou du vivifiant matin dans l'éclat des chants d'oiseaux ? Cela partage au-delà des peurs voilà tout. L'oncle confond l'amour avec ses affaires, celles qu'il s'occupe sans cesse à fructifier et qui lui permettent d'être aussi généreux avec les siens, à charge de reconnaissance, de servitude.

- Ne te disperse pas, reviens au souvenir véritable, celui qui est sans contenu, sans contenant.

« Sans contenant, sans contenu », Victor répète ces mots, ils les sent traverser des couches et des couches de contenant, de contenu... 


Merci


dimanche 7 novembre 2021

Des cyclones (11)... Victor


Il se met en marche.

 

Victor a marché sur un fil, un fil invisible, qui pourrait comprendre ? 
Il a tremblé de peur, s'il se dévoile ils l'enfermeront, c'est sûr ! Le consensus est contre lui, tout contre, il le sent comme un mur qui se dresse, c'est un défi à chaque fois. Et puis après avoir porté le chemin, voilà que le chemin le porte, indescriptible bonheur, où rien ne peut l'atteindre.

Il accepte ce va et vient, il est dans cette attention, c'est elle qui travaille en lui. Laisser mourir tout espoir de maîtriser ce flux, son intensité, et sa direction, il est l'instrument. Instrument d'une musique qui joue sa partition en son corps, communion avec ce monde dans lequel il baigne.

Il a appris à se déplacer sans faire de bruit, à être parmi les autres et que les autres l'oublient. En vérité c'est très facile, chacun ne se préoccupant que de sa petite personne, il suffit de ne pas donner prise, n'être disponible en rien, ou en tout, cela produit le même effet, invisibilité garantie. Par exemple, les parents qui se disent tellement préoccupés par le devenir de leurs enfants, rien de plus faux, ils ont en tête un dessein pour leur progéniture, devenir invisible à leurs yeux c'est voir ce modèle, et ne s'opposer en rien, ce n'est qu'une question d'apparences.

« Te souviens-tu ? »





mardi 2 novembre 2021

Des cyclones (10)... Victor


Au bout, tout au bout d'une longue pression
Qui le tient ferme
« Comme dans le vagin d'une femme »
Il sursaute à cette image
Qui ose dire quelque chose d'une intimité
Être sorti du ventre de sa mère et n'en garder aucun souvenir.
 
D'un coup la pression lâche
Par la fenêtre, au loin sur l'océan
Un paille en queue vire le ciel
Il sourit, juste avant de rire
Il repense à l'oncle
« Que vas-tu faire, Victor, de tout cet amour ? »
Riant de plus belle de la farce qui se joue là
L'oncle est bien malheureux
Derrière ses assurances
Tellement de peurs.
 
La vie s'offre à lui
La vie en un bouquet de parfums
Qui dessinent des volutes
Lumière, tout est lumière
Rencontre, tout est rencontre.
 
Il traverse la chambre
Le salon et la varangue
Sans bien savoir où il va
Il se met en marche.




vendredi 29 octobre 2021

Des cyclones (9)... Victor

 
Il ne sait pas Victor ce qu'il va faire de tout cet amour
Il retourne ses poches, elles sont vides
Il regarde l'oncle, oui, il est sarcastique
Celui-là ne connaît que le rapport de possession
Je me possède, je te possède, je possède le monde
Il n'y a en lui de satisfaction qu'à posséder la certitude
Que c'est bien la vie qui fait cela en lui
« Il faut te battre, si non les autres vont te dévorer ! ».

Victor se sent tout nu, vide comme ses poches
Mais pour la première fois cette maxime
Qui prétend que la loi du plus fort est celle qui fonde
Le vivant, lui donnant sens et direction
Pour la première fois, cela ne le rend pas triste.

Ah, il veut penser à cela
Il veut entendre et voir et comprendre ce qui se passe
En cet instant
Où il se sent tout nu, et pourtant si fort
Assuré de quelque chose que l'oncle rejette si fort
C'est une urgence, comprendre cela.

Trop de choses en même temps
Trop de choses en son esprit
Alors que son corps vibre intensément
Alors, il laisse cela agir
Il comprend instinctivement
Que cela est juste, que cela est bon
Que cela travaille en lui, au-delà de lui.

Toutes les pensées s'écrasent
Une image se présente
Une structure qui s'effondre
Sous son propre poids
Et le poids est énergie
Énergie qui ne peut plus être supportée
Par sa propre matière
Sous cet effet, concentration
En un point minuscule.





lundi 27 septembre 2021

Des cyclones (8)... Victor

 
Il n'a jamais aimé, voilà, ce qu'il comprend, seulement la peur de ne pas être aimé, de ne pas mériter, de ne pas être à la hauteur de leurs espérances qui devenaient chaque jour un peu plus les siennes.
« Je n'ai jamais aimé » se répète t-il, sans être vraiment certain que ce soit lui qui aime en cet instant. Il se sent traversé par cet amour, le premier bénéficiaire de cet état d'ouverture au monde. La lumière est si belle, la lumière vibre tous les corps, l'arbre est un corps, la montagne, il voit le chien là-bas, silencieux, tellement silencieux, tout vibre dans la vacuité du ciel. Il tombe à genoux, il pleure, sans sanglots, sans peine, sans souffrance, il pleure et sourit en même temps.
Une paix si vaste, une paix incommensurable, dans laquelle tout est joie.

« Que vas-tu faire de tout cet amour, Victor ? »
Non ce n'est pas une mise en scène, l'oncle est là, il a suivi le jeune homme dans sa retraite, il a vu sur son visage la béatitude, le sourire aux anges, et puis les larmes de la réconciliation.
Il guette maintenant la réaction...



Merci


vendredi 24 septembre 2021

Des cyclones (7)... Victor

 

Comme une main qui réconforte, qui apaise l'inquiétude, mais aussi révèle le mensonge. Le mensonge de sa très grande importance qui entraîne avec lui le mensonge de sa faiblesse, de son impuissance.

Quand il est rentré, un conseil de famille s'est tenu, l'oncle est là bien sûr, lui le chef a parlé : « Tu me déçois beaucoup ! ». Mensonge ! Il n'a jamais fait parti de ses plans. Victor s'est tu, il se tait maintenant, ni dedans, ni dehors, témoin de ce qui se passe en lui, témoin de ce qui se dit en eux. Et en cet instant, tonton tout nu... et sa peur à lui, tapie dans l'ombre, il pourrait le haïr pour cela, mais ce serait grande fatigue !

Aimer, qu'est-ce donc aimer ? Il sourit, doucement, aimer ce n'est pas vouloir changer l'autre, ce n'est pas chercher à avoir prise sur les événements, ce n'est pas se gorger d'importance, ni regarder derrière soi le chemin parcouru... aimer c'est... il sourit encore, comme il aime en cet instant...





dimanche 19 septembre 2021

Des cyclones (6)... Victor

 

Il fait encore nuit, pas même une lueur à l'horizon de l'est, il est infiniment troublé, le chien a disparu, il est seul, il a froid, il a faim.

Que s'est-il passé ? Quel tourbillon l'a porté jusque là, loin des siens qui doivent s'inquiéter.

« Bon, c'est bien mérité ! Qu'ils s’inquiètent ces faiseurs de mensonge ! Qu'ils se posent des questions eux qui sont dans tellement d'évidences !  Mon cœur est lourd de leur péchés. Ah comme il est lourd ! »

Des voix, une multitude de voix en lui :

« Je ne pourrai plus leur faire confiance, ils m'ont trahi !

-Tu exagères comme toujours, ce n'est quand même pas si grave. L'oncle a ri, toi tu as compris, quoi ? Qu'est-ce que tu as compris ? Que le discours est toujours mensonge, qu'il sert une cause, en l’occurrence la cause de cet homme dévoué à sa famille.

-Dévoué à sa famille ? Tu te moques de qui là ? Dévoué à son image de lui, la belle image de lui, grand, fort, puissant ! Dévoué à son petit confort, comme il se le représente. Moi, vois-tu, j'y croyais à ces discours pour le progrès, l'amélioration des conditions de vie pour tous.

-Ouais, pourtant lorsqu'il parlait des faibles qui ne méritent que mépris ? Travailler plus, pour gagner plus ! »

Il ne sait plus, il ne comprend plus rien, il a faim, il a froid... Il pleure, le voilà qui pleure comme un bébé, enfant perdu dans la nuit obscure.


A l'horizon, une lueur rouge carmin. Le lever comme le coucher à cette latitude ne laisse pas le temps de se retourner, le jour est là en teintes mordorées sur les rochers, les oiseaux se sont mis à chanter, l'air vibre doucement la promesse de la chaleur nourricière en parfums d'humus, de bois, et de fleurs. Au niveau du cœur, les fibres rayonnent de cette promesse, instinctivement il se détend, s'ouvre, s'ouvre... un flux puissant l'envahit.

Un craquement derrière lui, le chien...


Frédéric Lamy

mardi 10 août 2021

Des cyclones (5)... Victor

 

Il s'est endormi...

Le voici qui se réveille, un grand chien noir est là, si près, qui le regarde fixement. Silencieux, ce n'est pas parce que les animaux ne parlent pas en mots, ce chien est vraiment silencieux, tout entier dans ce regard. Un regard qui n'interroge pas, un regard qui ne dévisage pas, un regard qui voit.

Victor a un mouvement de peur, les chiens errants ont mauvaise réputation, en fait on leur lance pierres et bâtons quand ce n'est pas le coup de fusil. Et puis il rencontre ses yeux noirs, tout se tait en lui.


Le jour tombe, de l'océan montent des nuages bas qui enveloppent, pénètrent peu à peu la montagne. Le chien se dresse, hume l'air, « Viens ! » dit-il à Victor.

Une vieille case abandonnée, au milieu des bois de couleurs enchevêtrés, une sente étroite mène jusqu'à une porte qui n'est plus, une toute petite pièce avec l'âtre pour la cuisine, le sol en terre battue, une table bancale, moussue, et la nuit déjà qui est là avec la pluie.



Merci 

vendredi 6 août 2021

Des cyclones (4)... Victor

 

« Jamais, tu ne seras libre, si ce n'est à la hauteur de ce que tu auras gagné pour grimper les barreaux de l'échelle, l'homme ne changera jamais. Comme il est c'est juste. Il te faut avant tout apprendre à te battre, être le plus fort, toujours le plus fort, le faible ne mérite que mépris !

Toi qui aime la nature, regarde donc comment cela se passe ! C'est la loi du plus fort, du plus intelligent, du plus volontaire, du mieux préparé ! Nous sommes des animaux, avec des compétences intellectuelles qui font de nous, l'espèce la plus puissante qui n'ait jamais régné sur terre. Sans cesse, il nous faut fourbir nos armes, toutes nos armes, et faire aller droit ce qui veut aller de travers. Nous n'avons d'autre choix que celui de gagner ou mourir ! »


Ce discours, Victor l'a si souvent entendu dans la bouche de son oncle, il avait alors de la peine, quelque chose en lui gémissait, mais il ne savait que dire, ce que l'Homme disait semblait une évidence. « C'est bien ainsi que les choses se passent », se disait-il. Il se disait, encore qu'il fallait qu'il se guérisse de cette chose en lui qui disait que « Non, ce n'est pas ainsi. » Alors il partait en guerre contre lui, sa trop grande sensibilité, que l'oncle appelait sensiblerie, rêvasserie.

Mais là, il sait ce qu'au fond il a toujours su, cette voix en lui parle juste, et elle parle un tout autre langage.


Une exigence contre une autre exigence ?

Non, il est cela, il est cette voix, elle ne s'oppose à rien, elle parle d'un autre niveau où l'échange se fait avec le monde.

C'est un vertige qui le prend, c'est si vaste. Il voudrait réfléchir à ce qu'il pourrait dire concernant la nature qui n'obéit pas à la loi du plus fort, mais il ne peut pas, pas encore...



mardi 3 août 2021

Des cyclones (3)... Victor

 

Il veut voir encore, le germe est-il autre ou est-il l'homme ?


Si le germe est l'homme...

Alors l'homme est l'aiguille plantée dans le dos de qui ?

D'une autre espèce ? Une autre espèce à venir, une autre espèce appartenant au passé ? Avenir et passé ne sont-ils pas liés ?


Mais lorsqu'il a vu, le présent ne faisait pas un pont entre hier et demain, lorsqu'il a vu l'instant présent jaillissait neuf, toujours neuf, il a vu mourir au passé pour qu'autre chose soit, il a vu le processus mental qui produit l'illusion de la continuité. N'est-ce pas cette illusion qui fait le mensonge ?

Il se penche, une fleur, une fleur de pissenlit, non loin, la maturité en a fait un porte germes, un coup de vent et voilà les graines qui s'envolent, s'éparpillent dans l'air, retombent au sol, bientôt...

Illusion ce temps de la transmission ?

Naître et mourir, les deux en même temps, alors il comprend, dans l'esprit humain, d'un côté naître, de l'autre mourir, sans que jamais aucun lien n'existe entre ces deux bras enlacés, un vide entre ces deux bras, un vide où se loge le mensonge d'une dualité où les termes se font la guerre.

Ainsi son oncle fait la guerre au nom de sa réussite personnelle, il fait la guerre pour que soit préserver les acquis, le bien être des siens, et que ce n'est pas gratuit cela se gagne de faire parti. Et les autres que font-ils ?

Il les a rencontré sur le chemin, ceux qui n'avaient plus d'eau, d'électricité, tous se plaignaient, ils réclamaient les miettes qu'ils se sont habitués à consommer. Eux aussi font la guerre de la vie contre la mort, durer, durer, durer encore, quel qu’en soit le prix à payer.

Lui qui était si troublé, désespéré devant l'étendu des dégâts, voit partout où se pose son regard, ni dedans, ni dehors, il voit la beauté de cette danse du vivant. Il voit naître, il voit mourir, qui ne concernent ni le passé, ni l'avenir, mais l'instant présent.


Il s'étend, il est étendu... extase, jouissance de l'être qui ne connaît plus de limite, il est ce brin d'herbe, il est l'arbre jusqu'au profond des racines, il est la montagne où dévale l'eau des ravines, une goutte d'eau, il est cette goutte, qui rejoint l'océan, transportant avec elle la terre, la feuille, et tous ces immondices, plastiques et autres affaires chimiques.

Mais la goutte, la goutte reste pure...


samedi 31 juillet 2021

Des cyclones (2)

 

Le temps s'est absenté, et pourtant c'est lui qui a emporté la cuisante brûlure de la trahison.

Victor a vu, pour la première fois il a vu, un ordre non pas au-dessus qui commande, mais l'ordre qui jaillit à chaque instant, neuf, toujours neuf. Ses yeux se sont posés là, ni devant, ni dedans, ils ont été baignés par le flux vivant. Le tronc du cryptoméria a caressé son dos, une douce vibration, une secousse, la vibration est en lui, elle s'élève, il est ce corps d'énergie posé là, traversé et traversant, Victor voyage aux confins du monde des idées des hommes, il franchit la frontière des interdits.

Il voit l'étendu des dégâts, cette prison mentale, ce mensonge lorsque "un" a pu à partir d'une parcelle de vérité ériger une citadelle, une cité, une civilisation au service de ce mensonge.

C'était quoi ce premier mensonge ?

Et puis il comprend encore, que ce n'est pas "un" mensonge mais un processus répétitif, le germe est là dans l'homme, comme l'aiguille plantée dans le dos de la sorcière de Kirikou.

Il veut voir encore, le germe est-il autre ou est-il l'homme ?


F. Lamy

vendredi 30 juillet 2021

Des cyclones

 

L'homme préside la table, c'est le chef de la famille ici rassemblée et encore quelques fidèles et dévoués amis.

Sous la varangue cette belle assemblée prend des rafraîchissements accompagnés de pâtés créoles et autres amuses gueules. Les enfants vêtus de blancs courent autour des bassins d'eau, plongent sous les jets, se mouillent un peu mais cela sèche vite, le soleil est de retour et il fait très chaud. Dans la villa, dans une salle tendue d'écrans,  des adolescents vertualisent avec passion, tous héros de guerres, coureurs émérites, et autres champions. Cela se tue, cela se sauve, cela gagne ou perd des vies. Dans un coin, l'un d'eux, un grand escogriffe au visage émacié, au regard noir et vif, regarde les infos qui passent en boucle. Un cyclone est passé sur l'île, il a causé des dégâts bien sûr, mais cela fait 10 jours maintenant et pourtant un grand nombre de personnes sont encore sans eau, sans électricité, sans téléphone, sans internet. Le journaliste évoque les grandes difficultés pour rétablir les connexions dont tout dépend.

Soucieux le jeune homme, appelons-le Victor, se rend sous la varangue, s'approche de l'homme et l'interroge : « Mon oncle, je ne comprends pas, pourquoi tous ces gens sans électricité, nous avons tout, nous, ici. ». Éclats de rire, la naïveté l'amuse toujours beaucoup, et Victor est incurable.


Victor s'éloigne, il vient de comprendre...

Il est sorti de la villa, il a traversé ce parc magnifique où il aime marcher à la tombée du jour. Une armée d'employés de la mairie s'est affairée à tout remettre en ordre, plus rien ne parle du passage du cyclone. Le gardien, à l'entrée sud, lui a demandé où il va, d'un air décidé il a répondu : « Voir l'étendu des dégâts ». Un moment d'hésitation et le gardien fait manœuvrer le lourd portail, après tout il n'a reçu de consignes que pour empêcher d'entrer.

La route qu'il emprunte est dégagée, plus loin il fait signe à une voiture et le voici parti en direction des hauts.


Cela fait des heures qu'il marche seul, des arbres déracinés, des branches vrillées, des poteaux arrachés, couchés, ici les employés de l'oncle ne sont pas passés.

Cela fait des heures qu'il écoute le vacarme en lui. Des idées, rien que des idées ! "Je me suis laissé leurrer par leurs belles pensées ! C'est vrai, je les aime ces belles pensées, et puis je pouvais faire un tri, entre les bonnes et les mauvaises, les larges et les rétrécis, les intelligentes et les autres... Ainsi, il m'a pris pour un con !"

Vrai, il se sent profondément bafoué, méprisé... Mais ce n'est qu'une idée !

Il stoppe net sa marche « Ce n'est qu'une idée ! » Cet oncle si rassurant, avec sa voix forte de discours, sa gestuelle orchestrée, il le voit maintenant. Toutes ces années cet homme l'a moukaté, s'opposant à lui de toute sa morale, dans son habit de grand seigneur, de maître absolu détenant la vérité. Un sanglot monte et dans sa gorge un resserrement, il croit étouffer et puis non, c'est passé.

Il s'est assis à l'ombre d'un cryptoméria pendant un long moment, le discours mental s'est tu, toutes les voix écrasées, il est là, cela pense au-delà de lui.



F.Lamy - Bejisa