Près
de l’école, je passe avec les chiens
C’est
l’heure de la récréation
Je
guette si je le vois …
Il
déambule dans la cour, tête basse, à grandes enjambées
Il
est si grand, on dirait un héron fouillant les vases
Au
milieu d’une volée de moineaux
Il
disparaît de mon champ de vision
Plus
loin, entre deux murs, un passage étroit
Deux
taties font la garde, chaises barrant le coin
Ici
les enfants n’ont pas le droit d’aller bailler au portillon.
Le
voilà, alors que j’allais partir, qui vient s’asseoir
Juste
là dans le coin
Je
l’appelle : « Maxime, Maxime »
Il
ne m’entend pas
A
la troisième tentative, il lève la tête, me voit
Rien
ne bouge dans son visage, si sombre.
Souvenir
de lui, bébé, dans la voiture de son père
Au
fond de son siège auto, triste, si triste
Sentir
au plus profond de mon être toute sa détresse.
Souvenir
de son père…
Il
avait trois ou quatre mois
Je
l’avais laissé quelques jours, pour régler une affaire
De
Nîmes à Paris, de Paris à Nîmes
Pas
seul, évidemment, confié à son père et un couple d’amis
Le
retrouver, prostré, triste, si triste…
Des
heures pour le sortir de sa bulle mortifère
Des
heures à le caresser, le cajoler
Rire,
en ayant envie de pleurer
Et
partager enfin la joie, retrouver son sourire.
Petit
Max franchit l’interdit, me rejoint au portail, me tend son minois
« Ça
va pas ? »
Il
me dit que si… et puis, presqu’à regret :
« C’est
seulement que personne ne veut jouer avec moi »
J’ai
rien dit, les mots de réassurance sont tombés sans que je les
retienne, ils ne disent que des conneries.
Juste
le caresser, rire avec lui, le temps d’un regard
Que
je prolonge ici.
Ce
que tu vis, mon petit, je le connais si bien
La
solitude de la différence, invisible parfois
Là,
en soi. Voir ce que les autres ne voient pas
Sentir,
ce qu’ils ne sentent pas…
Pas
moyen de s’intégrer, comme on dit
Il
faudrait régner en maître, ou se soumettre.
Que
ces deux voies qui n'en sont pas
Restent
loin de toi.
Tu
vas apprendre, dans cette si difficile mise en relation
Tu
vas apprendre à la connaître TA différence
C’est
ta plume d’ange à toi
Et
lorsque tu la verras aussi clairement que ce ciel vacuité
Tu
trouveras quelqu’un... les yeux ouverts, et... rire avec toi.
– Et
si cela ne se faisait pas !
– Quelle
importance !
Cela
ne fait pas besoin, ni urgence
On
n’est jamais seul quand l’énergie circule
Et
surtout, on sait que tout est écrit, utile à …
Alors
vraiment, plus rien n’a d’importance
Tu
iras le pas paisible, je te le dis.
De
pas en pas... Je passe encore avec les chiens...
Tu
as grandi encore
Je
te vois traverser la cour
Ce
n’est pas l’heure de la récréation
Tu
es si paisible
Me
revient cette image de toi, dans cette même cour
Arpentant
rageusement, la tête scrutant le vide à tes pieds.
Mon
cœur sourit, c’est un continent qui se montre à voir
Cet
enfant est un continent en marche...