J’ai
interdit à Ficelle de se rendre dans l’enclos.Elle
refusait d’entendre ce que je disais. Pour elle, impossible que les
deux pattes se conduisent ainsi.-
Il y a des lois, je le sais, des lois que les deux pattes ont
décidés pour nous protéger.-
De quoi parles-tu ma pauvre Ficelle ? Nous protéger !
Pour
la première fois, nous nous sommes disputés. Je suis revenu la
chercher au bord de la rivière. Elle
pleure, tournant la tête vers moi :« Comment
vivre en ce monde ? Je ne peux pas vivre dans ce monde ! Se
méfier, fuir, se terrer dans notre différence. »
Je
ne comprends pas de quoi elle veut parler.Comment
peut-elle parler ainsi de notre vie ici ?
Elle
continue déchirée, déchirante :« Je
les ai connus, ils étaient doux, attentifs… »Elle
parle des deux pattes, elle parle de nos relations avec ces fils du
diable !Voir
avec effroi, qu’elle n’a jamais été heureuse au point où je
l’étais, que toujours au fond d’elle, elle était en attente
d’une chose qui n’existe pas pour moi. J’avais cru à une
renaissance, elle avait seulement tiré la porte. Derrière tout
était resté en état.Un
froid profond m’a envahi.Je
n’ai rien dit, nous sommes rentrés au gîte, les petits
attendaient.
Je
me sentais à la fois très proche d’elle, plus que je ne l’avais
jamais été, et en même temps si seul, loin de tout.Elle
s’occupe des petits avec autant d’attention que d’habitude.Le
souvenir des mes premiers compagnons, les grands chiens noirs et de
la femme qui les sortait dans les champs de canne m’est revenu.Tout
est là… mais bien fini, aucune émotion, ce temps là est bien
mort. Aucune branche, impossible de m’accrocher pour me rapprocher
de la détresse de ma Ficelle, je n’attends plus rien des deux
pattes. Pas même des ennemis, seulement des êtres à part, deux
mondes même pas parallèles qui se côtoient pour notre malheur. Les
fuir, coûte que coûte.
A
partir de ce jour, s’en fut vraiment fini de l’harmonie.
L’inquiétude, la peur trônaient, tyranniques, obsédantes,
destructrices.
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